
Dans ce contexte, il est impératif – maintenant plus que jamais – de nouer des alliances à l’échelle mondiale et de renforcer notre autosuffisance. Il faut lever les barrières au commerce interprovincial et mettre en place un réseau électrique intégré d’énergies renouvelables.
En 1987, le Canada était impliqué dans des pourparlers avec les États-Unis concernant un accord de libre-échange entre leurs deux pays. John Crispo, économiste et fervent défenseur de l’accord de libre-échange (ALE), y avait alors émis une mise en garde : si le Canada ne ratifiait pas cet accord, il se retrouverait dans une situation économique catastrophique.
Un an plus tard, le premier ministre Brian Mulroney a déclenché des élections : il cherchait à se doter d’un mandat qui lui permettrait de signer l’accord. Malgré l’opposition du Parti libéral et du NPD, les conservateurs ont remporté la majorité avec 40 % des voix. Peu après, dans la même année, les États-Unis et le Canada ont ratifié l’ALE (article en anglais). Par la suite, en 1994, un accord de libre-échange incluant le Mexique a été adopté.
Au début de l’année 1988, avant les élections, j’ai eu l’occasion de rencontrer le renommé économiste Kenneth Boulding lors d’une réunion aux États-Unis. Encore mal à l’aise avec les propos de Crispo, je lui ai demandé son avis sur la question : le Canada aurait-il des difficultés financières s’il ne signait pas l’accord? J’ai aussi cherché à connaître son opinion sur l’ALE.
Boulding m’a répondu : « Pour découvrir votre véritable richesse, vous n’avez qu’à imaginer vous coucher un soir, puis au réveil le lendemain, constater que le monde entier a disparu, à l’exception du Canada et de l’océan qui l’entoure. Manqueriez-vous de nourriture? Pas si votre nation, loin d’être une cause perdue, est l’un des greniers du monde. Manqueriez-vous de ressources (minéraux, énergie, bois d’œuvre et poisson)? Manqueriez-vous de main-d’œuvre instruite et capable de tout fabriquer, des vêtements aux réfrigérateurs en passant par les voitures? »
Cet exercice de réflexion met en évidence la vraie richesse du Canada, qui foisonne en ressources et en personnes qualifiées et éduquées de tous les horizons. Véritable creuset bouillonnant d’idées, le pays devrait faire l’envie du monde entier. Or, si la mondialisation visait à l’origine à prévenir les types de conflits qui avaient fait souffrir la planète lors des deux dernières guerres mondiales, force est de constater qu’elle nous a plutôt rendu.e.s vulnérables aux conséquences de la guerre, aux hostilités et aux changements de priorités, en plus de nous appauvrir.
Cet exercice de réflexion met en évidence la vraie richesse du Canada, qui foisonne en ressources et en personnes qualifiées et éduquées de tous les horizons. Véritable creuset bouillonnant d’idées, le pays devrait faire l’envie du monde entier.
J’ai par la suite entendu Larry King interviewer Mulroney à CNN. King lui reprochait le marasme économique dans lequel se trouvait alors le Canada. Mulroney avait essayé de se décharger de toute responsabilité, en disant qu’il ne pouvait pas contrôler l’économie mondiale. Mais alors, pourquoi y adhérer? Le rôle principal du premier ministre consiste à protéger la population et l’économie canadiennes, et non pas à céder le contrôle aux grandes puissances mondiales.
L’élection de Donald Trump et les événements qui ont suivi montrent notre dépendance aux caprices d’un leader chaotique, qui ne se soucie pas le moins du monde du bien-être des populations ou de l’état de la planète. Pendant son premier mandat, son gouvernement a négocié l’accord de libre-échange nord-américain le plus récent, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique. Trump le déchire maintenant et impose des tarifs de façon imprudente, se rétractant pour ensuite les réimposer, entraînant du même coup l’instabilité des marchés boursiers et des difficultés économiques qui dépassent les frontières états-uniennes.
Dans ce contexte, il est impératif – maintenant plus que jamais – de nouer des alliances à l’échelle mondiale et de renforcer notre autosuffisance. Il faut lever les barrières au commerce interprovincial et mettre en place un réseau électrique intégré d’énergies renouvelables. Nos gouvernements doivent faire des droits, des titres et de la gouvernance autochtones une priorité. Nous devons aussi veiller à la résilience de nos communautés face aux changements climatiques et protéger nos ressources naturelles, en particulier l’eau.
Dans ce contexte, il est impératif – maintenant plus que jamais – de nouer des alliances à l’échelle mondiale et de renforcer notre autosuffisance.
Les droits de la personne et de l’environnement doivent être au cœur des accords commerciaux que nous signons.
Les milliardaires et les oligarques qui tirent le plus profit du commerce mondial se moquent complètement des nations et des frontières. Pour eux, ce ne sont que des obstacles, tout comme les règlements et les institutions publiques. Leur système économique capitaliste consumériste facilite le commerce international, mais en dépend aussi, en partie pour exploiter une main-d’œuvre à faible coût ainsi que des normes laxistes en matière d’environnement et de droits de la personne.
Par ailleurs, le commerce actuel aggrave la crise climatique. Environ 40 % du fret mondial est consacré au transport de charbon, de pétrole et de gaz. Selon la revue Forbes, le transport des marchandises émet chaque année plus d’un milliard de tonnes de carbone, ce qui en fait le sixième émetteur à l’échelle mondiale, derrière la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et le Japon. Et les émissions ne font que grimper de plus belle. Restreindre l’utilisation de combustibles fossiles entraînerait une baisse significative des émissions résultant de leur combustion et de leur acheminement. Le climat en ressortirait gagnant, mais au détriment des profits colossaux de l’industrie. Or, l’économie actuelle valorise les profits aux dépens de la santé et de la survie.
La situation des États-Unis illustre à quel point tout peut s’effondrer en un battement de cil : les lois et les institutions, les freins et contrepoids, les accords internationaux, les systèmes de gouvernance que la population considérait comme des acquis depuis longtemps. Il est crucial que nous en tirions des leçons, pour nous unir et protéger ce qu’il nous reste tout en continuant de nous battre pour mieux.
Il est crucial que nous en tirions des leçons, pour nous unir et protéger ce qu’il nous reste tout en continuant de nous battre pour mieux.