Nous venons de traverser l’année la plus chaude jamais enregistrée… un record très loin de la normale! Selon les prédictions scientifiques, nous dépasserons cette année la limite de réchauffement de 1,5°C fixée par les pays signataires de l’accord de Paris sur le climat de 2015. Pendant ce temps, le Canada et les États-Unis battent des records de production pétrolière et gazière (article en anglais), et l’industrie aimerait que la tendance se maintienne.
La principale cause de ce réchauffement record : la hausse des émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère provenant de la combustion du gaz, du pétrole et du charbon. C’est aussi la cause première des inondations, des sécheresses, des feux de forêt, des migrations humaines, des extinctions d’espèces et des difficultés économiques qui en découlent. Nous le savons depuis au moins un demi-siècle!
Même si des avancées modestes ont été réalisées au sommet sur le climat COP28 à Dubaï à la fin de l’année dernière (il aura fallu 28 ans!), il est clair que l’industrie des combustibles fossiles continue de mener le bal, comme en témoignent sa présence et son influence prédominantes. Qui était à la tête de cette conférence? Le plus haut dirigeant du secteur pétrolier des Émirats arabes unis. D’ailleurs, le sommet de cette année, qui se tiendra en Azerbaïdjan, sera aussi présidé par un pétrolier.
Cela dit, on entrevoit des lueurs d’espoir : réduction des émissions aux États-Unis, chute des prix, adoption croissante des énergies renouvelables, etc. Mais nous avons tellement tardé à réagir à la crise qu’il nous faudrait décupler notre ambition.
Lors de la COP28, les pays ont finalement reconnu que le charbon, le pétrole et le gaz alimentaient la crise climatique et que nous devions « passer » à une énergie plus propre « d’une manière juste, organisée et équitable ». Les gouvernements du monde entier ont également convenu de créer un fonds « pertes et dommages » pour aider les pays vulnérables – les moins responsables de la crise – à composer avec les conséquences grandissantes du dérèglement climatique. Les États insulaires le réclament depuis des années, mais le fonds reste insuffisant.
Le Canada a annoncé qu’il imposerait un plafond pour limiter les émissions de l’industrie pétrolière et gazière et adopterait des règlements pour réduire les émissions de méthane. Bien que le plafonnement des émissions soit un bon début, sa portée est limitée : il ne s’applique qu’aux émissions issues de l’extraction et de la production de combustibles fossiles, mais pas aux émissions bien plus importantes liées à l’utilisation des produits. N’empêche, cette décision trouve une résistance parmi les gouvernements provinciaux qui privilégient les intérêts de l’industrie.
Cela dit, on entrevoit des lueurs d’espoir : réduction des émissions aux États-Unis, chute des prix, adoption croissante des énergies renouvelables, etc. Mais nous avons tellement tardé à réagir à la crise qu’il nous faudrait décupler notre ambition. Et quand bien même nous y arriverions, le défi resterait de taille, surtout quand l’industrie et ses acolytes – le gouvernement et les médias – s’acharnent à bloquer le progrès.
En fait, l’inflation est surtout attribuable à la volatilité des prix des combustibles fossiles et au mercantilisme de l’industrie.
Certaines figures politiques font tout en leur pouvoir pour s’attaquer à des politiques pourtant sensées en matière de climat et d’environnement. Bien que les redevances sur le carbone (appelées à tort « taxes ») soient nées d’une idée des conservateurs, elles ont été attaquées par des figures politiques qui les accusent hypocritement d’être à l’origine de l’inflation (article en anglais). En fait, l’inflation est surtout attribuable à la volatilité des prix des combustibles fossiles et au mercantilisme de l’industrie.
L’industrie elle-même est particulièrement effrontée. Comme le rapporte le Guardian, « le lobby pétrolier américain a lancé cette semaine une campagne médiatique à huit chiffres pour promouvoir l’idée selon laquelle les combustibles fossiles seraient “vitaux” pour la sécurité énergétique mondiale, ce qui n’a pas manqué d’alarmer les spécialistes du climat ».
Les publicités dans les bus et en ligne présentent le méthane comme une solution climatique, même si c’est un gaz mortel (qualifié à tort de « naturel »). Alors que le charbon et le pétrole – en particulier le pétrole sale et coûteux provenant des sables bitumineux – deviennent de plus en plus difficiles à justifier, l’industrie, soutenue par les gouvernements, mise sur le gaz pour continuer à engranger des profits.
L’industrie soutient que le gaz fossile – notamment le gaz naturel liquéfié, lequel est principalement constitué de méthane – sera utilisé pour remplacer le charbon, encore plus sale, afin de réduire les émissions. La vérité, c’est qu’à court terme, le méthane est bien plus puissant que le CO2. Il peut nuire à la santé humaine lorsqu’il est utilisé à la maison ou en entreprise, sans compter qu’il coûte plus cher à produire que l’énergie éolienne ou solaire.
Nous devons parler plus fort pour enterrer la voix de l’industrie des combustibles fossiles. Il nous faut exiger des mesures urgentes de la part des gouvernements.
Une campagne canadienne incite même la population à dénoncer les règlements en matière de climat et de santé publique qui nuiraient aux intérêts de l’industrie. Une enquête de DeSmog (en anglais) a révélé que les publicités de Voice for Energy étaient « payées par CGA Enterprises, une entreprise de l’Association canadienne du gaz ».
En outre, presque tous les gouvernements des territoires producteurs de pétrole, dont l’Alberta, souhaitent abandonner les combustibles fossiles en dernier. Comme l’affirme Michael Lazarus, chercheur principal au Stockholm Environment Institute, dans un article du Washington Post : « Chaque pays justifie différemment pourquoi ce devrait être lui l’ultime producteur ». Ainsi, « les pays s’attendent à produire 2,5 fois plus de combustibles fossiles en 2050 que ne le permettrait une cible de 2°C ».
Nous devons parler plus fort pour enterrer la voix de l’industrie des combustibles fossiles. Il nous faut exiger des mesures urgentes de la part des gouvernements. De plus en plus coûteuse et pénible, la crise climatique ne fera qu’empirer tant que les combustibles fossiles ne seront pas abandonnés.