Les manifestations contre le projet d’oléoduc ont débuté en 2016, lorsque des membres de la communauté sioux de Standing Rock, de la rivière Cheyenne et de Rosebud ont uni leurs forces pour défendre l’eau et les ressources culturelles, déclarant que l’Army Corp of Engineers ne les avait pas consulté.e.s avant d’octroyer les permis. (Photo : Richard Bluecloud Castaneda via Greenpeace)

Fondée en 1971 à Vancouver, ma ville natale, Greenpeace s’est depuis transformée en une organisation internationale influente. De la pollution plastique à la crise climatique, elle mène des campagnes et plaide en faveur de la santé environnementale sur une multitude de sujets. Je la soutiens sans réserve.

Greenpeace, comme toute organisation vouée à l’environnement ou à la justice sociale, a commis des erreurs. Au fil des années, l’ONG a fait l’objet de critiques, ce qui, en soi, ne pose pas de problème. En effet, un débat sain est crucial pour le fonctionnement de la démocratie. Toutefois, ce que nous constatons actuellement, c’est plutôt une augmentation des tentatives visant à criminaliser et à ruiner les personnes et les groupes qui militent pour un monde meilleur, plus sain et plus sécuritaire.

Ainsi, dans une attaque sans précédent contre Greenpeace, un jury de l’État du Dakota du Nord a récemment condamné l’ONG à verser 667 millions de dollars ($ US) à l’entreprise Energy Transfer (article en anglais). Celle-ci, qui vaut 70 milliards de dollars, avait porté plainte contre Greenpeace pour avoir organisé des manifestations contre l’oléoduc Dakota Access en 2016 et 2017. Elle reprochait à Greenpeace d’avoir mené une « campagne de mésinformation » incitant la population à protester contre le projet.

Toutefois, ce que nous constatons actuellement, c’est plutôt une augmentation des tentatives visant à criminaliser et à ruiner les personnes et les groupes qui militent pour un monde meilleur, plus sain et plus sécuritaire.

Greenpeace a exprimé des doutes quant à la capacité de bénéficier d’un procès équitable dans un État dépendant du pétrole et du gaz, compte tenu des liens existant entre plusieurs juges et l’industrie (source en anglais). L’ONG a déclaré que ce type d’actions réalisées par des sociétés visent à « détruire le droit à manifester pacifiquement ». Greenpeace envisage de faire appel.

« Au cours de ces trois dernières semaines, nous avons surtout constaté le mépris flagrant d’Energy Transfer envers les représentant.e.s de la communauté sioux de Standing Rock. Alors que l’entreprise essayait de déformer la vérité sur le rôle de Greenpeace dans les manifestations, nous avons réaffirmé notre détermination inflexible à employer des méthodes non violentes dans toutes nos actions », a déclaré Deepa Padmanabha, conseillère juridique principale de l’organisation.

L’oléoduc Dakota Access, d’une longueur de 1 900 kilomètres, transporte du pétrole issu de la fracturation hydraulique de la région de Bakken, en Dakota du Nord, vers un terminal pétrolier situé à Patoka, en Illinois, puis vers d’autres oléoducs, pour finalement aboutir aux raffineries. Il traverse quatre États et se faufile sous la rivière Missouri, à la hauteur du lac Oahe, à moins d’un kilomètre de la réserve sioux de Standing Rock.

Les manifestations contre le projet d’oléoduc ont débuté en 2016, lorsque des membres de la communauté sioux de Standing Rock, de la rivière Cheyenne et de Rosebud ont uni leurs forces pour défendre l’eau et les ressources culturelles, déclarant que l’Army Corp of Engineers ne les avait pas consulté.e.s avant d’octroyer les permis. Se sont ensuite joints à eux des milliers d’allié.e.s : figures politiques, célébrités, membres de plus de 300 nations autochtones, membres de groupes écologistes et militants pour les droits de la personne.

Les personnes qui protègent la terre, l’air, l’eau, les plantes, les animaux et notre avenir font face à une bataille de plus en plus difficile.

Mais la situation s’est vite envenimée. Afin d’empêcher la perturbation de la construction, les militaires, la police et des membres de la sécurité de l’entreprise pétrolière ont déployé l’artillerie lourde. Chiens d’intervention, gaz lacrymogènes, canons à eau, grenades assourdissantes. Ils ont même aspergé les protestataires d’eau sous pression, à une température inférieure au point de congélation (article en anglais).

Vers la fin de l’année 2016, l’Army Corp avait refusé à l’oléoduc le droit de passage à travers le lac Oahe, en attendant une étude environnementale et l’examen de tracés alternatifs (source en anglais). Cependant, dès son arrivée au pouvoir en 2017, le président Donald Trump, qui détenait des actions d’Energy Transfer et avait reçu des dons généreux pour sa campagne et son investiture de la part du PDG de l’entreprise, a ordonné à l’Army Corp d’accélérer l’autorisation de passage. La construction a ensuite été terminée et le pétrole a commencé à s’écouler en 2017.

En plus d’affecter l’eau et les droits des peuples autochtones, cet oléoduc transporte assez de pétrole brut pour émettre chaque année 121 millions de tonnes de gaz à effet de serre lors de sa transformation et de son utilisation, de quoi détraquer le climat. Selon l’organisme sans but lucratif RMI, qui œuvre dans le domaine de l’énergie, les émissions pourraient même être trois fois et demie plus importantes si on tenait compte du méthane et de l’oxyde de diazote (source en anglais).

De plus, Energy Transfer cherche à accroître la capacité de son oléoduc, ce qui augmenterait les émissions et les risques de ruptures et de déversements. Selon un rapport conjoint (en anglais) de Greenpeace et de la Waterkeeper Alliance, la compagnie et ses filiales ont connu de nombreux accidents au fil des ans, qui ont contaminé la terre et l’eau dans l’ensemble des États-Unis.

Le procès intenté contre Greenpeace représente une menace pour la liberté d’expression et de rassemblement. Ça ne sera sans doute pas la dernière.

Bien que Greenpeace affirme n’avoir joué qu’un rôle mineur dans l’affaire de Standing Rock en fournissant de l’aide à la demande des Sioux de la place, le groupe environnemental est visiblement considéré comme une menace pour les intérêts du secteur pétrolier et gazier. Il devient ainsi une cible de choix pour des manœuvres de plus en plus courantes visant à étouffer toute forme d’opposition.

De Standing Rock au territoire des Wet’suwet’en, en Colombie-Britannique, et même au-delà, les forces de l’ordre militarisées font de plus en plus usage de la force contre les personnes qui défendent la terre et l’eau, et les entreprises ont recours à des mécanismes tels que les poursuites-bâillons, des procédures judiciaires stratégiques contre la mobilisation publique, destinées à faire taire les contestataires en leur imposant des procès longs et coûteux. En anglais, ces procédures sont connues sous l’acronyme SLAPP. Les personnes qui protègent la terre, l’air, l’eau, les plantes, les animaux et notre avenir font face à une bataille de plus en plus difficile.

Le procès intenté contre Greenpeace représente une menace pour la liberté d’expression et de rassemblement. Ça ne sera sans doute pas la dernière. Tout le monde devrait appuyer Standing Rock et les groupes comme Greenpeace, qui travaillent pour le bien des peuples et de la planète en s’opposant fermement à l’industrie destructrice des combustibles fossiles.