Les États-Unis se retrouvent parmi les principaux contributeurs d’émissions militaires mondiales : environ 20 % de leurs émissions sont associées à la protection d’intérêts gaziers et pétroliers dans la région du golfe Persique. (Photo : Curioso Photography via Unsplash)

Dépenser des fortunes, consommer d’énormes quantités de ressources, mettre au point des technologies inimaginables, détruire des infrastructures ainsi que des zones naturelles et éliminer des millions de personnes – civiles pour la plupart –, tout ça, souvent seulement pour flatter l’amour propre d’hommes mesquins avides de pouvoir. Voilà pourquoi la guerre est absurde.

Les technologies meurtrières ont connu d’énormes progrès. Nos mentalités, quant à elles, n’ont pas beaucoup évolué depuis 3 000 ans, lorsque Homère composait l’Iliade. Ce récit épique narrait la bataille sanglante déclenchée pour venger le supposé « déshonneur » du roi spartiate Ménélas à la suite de l’enlèvement de son épouse Hélène par Paris, le prince troyen. Le coût des guerres contemporaines est bien plus élevé, qu’il s’agisse de vies perdues, de ressources utilisées ou d’argent dépensé. Toutefois, les raisons de leur déclenchement n’en restent pas moins absurdes.

Combien de fois avons-nous entendu dire que la gestion des crises associées aux changements climatiques et à la perte de la biodiversité coûtait trop cher? Ce prix ne représente pourtant que des miettes comparativement aux dépenses en armes et en destruction. De plus, la résolution des crises environnementales est non seulement nécessaire, mais elle représente également de nombreux avantages. Les guerres, quant à elles, ne servent souvent qu’à enrichir les fabricants d’armes et, aujourd’hui, l’industrie des combustibles fossiles.

Les guerres, quant à elles, ne servent souvent qu’à enrichir les fabricants d’armes et, aujourd’hui, l’industrie des combustibles fossiles.

Cela ne veut pas dire que les dépenses en défense ou dans le secteur militaire ne sont pas parfois nécessaires. Nous vivons dans un monde où s’imposent des idéologies opposées et des dirigeant.e.s avides de pouvoir : il faut parfois pouvoir se défendre contre ceux et celles qui menacent la liberté, la démocratie et les droits de la personne, ou qui commettent des actes génocidaires. Par ailleurs, les forces militaires prêtent souvent main forte lors de catastrophes, notamment des ouragans ou d’autres phénomènes météorologiques extrêmes. En revanche, la guerre relève, en soi, d’un concept suicidaire. Le fait que nous n’ayons toujours pas trouvé de meilleurs moyens de régler les différends témoigne du peu d’évolution qu’a connu notre mode de pensée.

En accaparant l’argent et les ressources et en privilégiant la destruction au lieu de la résolution de conflits, les guerres nous empêchent de répondre à des urgences sérieuses et menaçantes pour notre survie – les changements climatiques et la perte de la biodiversité, par exemple. De plus, elles contribuent largement à intensifier ces problèmes.

Une étude récente (en anglais) menée par des chercheurs des États-Unis et du Royaume-Uni a émis le constat suivant : les émissions de gaz à effet de serre générées au cours des deux premiers mois de la guerre à Gaza dépassaient les émissions annuelles de plus de 20 des pays les plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques.

Ces chiffres sont de grandes sous-estimations puisqu’ils se limitent à seulement quelques-unes des activités à forte intensité carbone. Ils tiennent compte des émissions provoquées par les avions de guerre, les chars d’assaut et les autres véhicules, par la construction de bombes, d’artillerie et de roquettes et par le transport aérien d’armes et d’équipement des États-Unis vers Israël. D’autres études démontrent toutefois que les chiffres pourraient être huit fois plus élevés si on tenait compte des émissions générées par l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement associée aux guerres.

En accaparant l’argent et les ressources et en privilégiant la destruction au lieu de la résolution de conflits, les guerres nous empêchent de répondre à des urgences sérieuses et menaçantes pour notre survie – les changements climatiques et la perte de la biodiversité, par exemple. De plus, elles contribuent largement à intensifier ces problèmes.

Ainsi, ces estimations conservatrices ne tenant compte que des deux premiers mois d’un conflit qui s’intensifie depuis plus d’un an, on ne peut que s’imaginer le bilan actuel – avec l’invasion russe en Ukraine et la multiplication des conflits partout dans le monde (article en anglais).

En dépit de leurs répercussions considérables sur le réchauffement de la planète, les émissions militaires font l’objet d’une déclaration volontaire. Celles-ci sont gardées secrètes et exclues des négociations climatiques des Nations Unies. Selon le Guardian, « même en l’absence de données exhaustives, une étude récente a révélé que les armées sont responsables de près de 5,5 % des émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre –, soit plus que les industries de l’aviation et du transport réunies ».

Les États-Unis se retrouvent parmi les principaux contributeurs d’émissions militaires mondiales : environ 20 % de leurs émissions sont associées à la protection d’intérêts gaziers et pétroliers dans la région du golfe Persique, qui se réchauffe deux fois plus rapidement que tout le reste de la planète.

À ces émissions s’ajoutent de nombreux autres polluants toxiques générés par la guerre et les activités militaires. Comme le rapportent les Nations Unies, « les conflits aggravent les effets des changements climatiques. À leur tour, les changements climatiques provoquent d’autres conflits, du moins de façon indirecte » (source en anglais).

Imaginez ce que nous pourrions accomplir si toutes les ressources destinées à tuer et à détruire allaient plutôt à l’élimination des menaces à notre existence, créées par nous, les êtres humains.

Daniel Boyd, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de la personne et de l’environnement (et ancien collaborateur de la Fondation David Suzuki), a confié au Guardian que « cette recherche permet de saisir l’ampleur exceptionnelle de l’empreinte carbone militaire – depuis les préparatifs de guerre, à la guerre elle-même jusqu’à la reconstruction au terme de celle-ci. Les conflits armés poussent l’humanité encore plus près du gouffre de la catastrophe climatique, et alourdissent de façon absurde notre budget carbone ».

Partout dans le monde, notamment au Moyen-Orient et en Ukraine, des personnes se font tuer, mutiler et déplacer. Elles sont affamées ou encore se retrouvent orphelines à cause de la guerre et des changements climatiques. Imaginez ce que nous pourrions accomplir si toutes les ressources destinées à tuer et à détruire allaient plutôt à l’élimination des menaces à notre existence, créées par nous, les êtres humains.

Il nous faut reprendre nos esprits avant qu’il ne soit trop tard.