
À la COP30, le Canada célèbre ses progrès climatiques, mais derrière les promesses se cache une histoire plus profonde. La justice en matière de compétence révèle comment les vieilles lois coloniales façonnent encore les forêts du Canada et pourquoi une véritable action climatique doit commencer par le leadership autochtone. (Photo : Nico Stinghe)
Au Canada, les lois nationales — notamment la Loi sur l’unité de l’économie canadienne récemment adoptée et les mesures semblables proposées au Québec ou déjà adoptées en Ontario et en Colombie-Britannique (sources en anglais) — déguisent les vieilles hiérarchies coloniales en jargon économique contemporain. La Loi sur l’unité de l’économie canadienne affirme que le gouvernement fédéral peut déclarer que certains projets sont d’« intérêt national », accélérant ainsi l’extraction de ressources industrielles et les projets d’infrastructure au détriment de l’évaluation environnementale et du consentement des Autochtones. Ce n’est pas de l’innovation; c’est la doctrine de la découverte réaménagée pour un nouveau siècle.
Lorsque le Canada utilise les termes « efficacité » et « compétitivité » pour ignorer la compétence autochtone et le consentement libre, préalable et éclairé, il répète la même fiction juridique qui justifiait la conquête : la Couronne détient l’autorité ultime sur les terres. La doctrine de la découverte a peut-être été symboliquement répudiée, mais elle transpire encore à travers des lois qui traitent les Nations autochtones comme des personnes consultées plutôt que comme des cogouvernements, et les forêts comme des ressources plutôt que comme des entités parentes.
Justice en matière de compétence
À la COP30, la forêt amazonienne attirera à juste titre l’attention mondiale. Mais les forêts du Canada racontent une histoire parallèle. La forêt boréale, qui s’étend du Yukon au Labrador, fournit un habitat essentiel au caribou, à l’orignal, aux ours, aux insectes, à d’innombrables oiseaux migrateurs et aux petites espèces qui dépendent des arbres pour construire leurs maisons. Elle abrite également plusieurs des 600 communautés autochtones dont l’intendance est axée sur le maintien de l’équilibre et de l’abondance, et non sur la maximisation de l’extraction.
Le Canada a coupé à blanc des millions d’hectares, dont une grande partie sous le couvert de certifications de « foresterie durable ». Les compagnies forestières continuent de fonctionner sous des régimes provinciaux de « terres de la Couronne » qui trahissent les promesses faites en vertu des traités du wampum et numérotés et annulent les titres et droits autochtones, tandis que de nouvelles lois menacent d’accélérer l’extraction en la qualifiant de croissance verte.
Si le processus climatique entrepris à l’échelle mondiale est sérieux quant à l’arrêt de la déforestation et de la dégradation d’ici 2030 (source en anglais) – un objectif affirmé à maintes reprises dans les engagements de la COP – le Canada ne peut s’y soustraire. La gestion forestière n’est pas seulement inextricablement liée à nos engagements en matière de carbone, elle est également liée à la justice en matière de compétence.
La racine juridique de la crise
La dégradation des forêts au Canada est ancrée dans l’histoire légale. Des relevés des terres du XIXe siècle aux lois modernes sur les ressources, la même logique perdure : les terres appartiennent à l’État jusqu’à preuve du contraire. L’article 35 de la Constitution reconnaît les droits ancestraux et issus de traités, mais il laisse intacte la présomption de souveraineté de la Couronne. L’« obligation de consulter » demande aux Nations autochtones de donner leur avis, mais ne crée pas de processus significatifs pour que le leadership autochtone soit inclus dans les mécanismes décisionnels. La Loi sur l’unité de l’économie canadienne va plus loin, consolidant le pouvoir discrétionnaire fédéral d’ignorer les processus par lesquels une participation significative des peuples autochtones doit avoir lieu, comme les évaluations environnementales.
À la COP30, le Canada se présentera probablement comme un chef de file en matière de gestion forestière et de partenariat autochtone. Mais le partenariat sans compétence n’est qu’une performance. Le véritable leadership climatique commence lorsque les lois autochtones sont traitées non pas comme un patrimoine culturel, mais comme une autorité constitutionnelle.
Mais le partenariat sans compétence n’est qu’une performance. Le véritable leadership climatique commence lorsque les lois autochtones sont traitées non pas comme un patrimoine culturel, mais comme une autorité constitutionnelle.
Des mesures concrètes pour le Canada à la COP30 et pour la suite
Lors de la COP30, mais aussi après, le Canada doit ancrer sa politique climatique dans la gouvernance et le droit autochtones, allant au-delà de la consultation afin de reconnaître les Nations autochtones comme des autorités égales dans la prise de décisions environnementales. Cela signifie d’intégrer par voie législative la compétence autochtone dans la gouvernance forestière, d’augmenter la superficie et le financement des aires protégées dirigées par les Autochtones et de veiller à ce que les Premières Nations soient au centre des systèmes de comptabilisation du carbone. Les politiques commerciales et d’investissement devraient être alignées sur une révolution forestière véritablement durable, des objectifs zéro déforestation et zéro dégradation, et la priorité devrait être accordée aux réparations culturelles pour les communautés autochtones. Enfin, le financement du Canada pour le climat doit cesser de favoriser les modèles d’entreprise centrés sur l’extraction et se concentrer sur la restauration et l’intendance dirigées par les Autochtones qui considèrent la forêt comme un système vivant plutôt que comme une source de bois et de fibres.
L’impératif moral de la COP30
Les forêts amazoniennes et boréales sont des homologues, véritables poumons de la planète, toutes deux marquées par l’économie coloniale. Parler de justice climatique à Belém tout en sapant la compétence autochtone ici au Canada reviendrait à rejouer le même script impérial sous une bannière verte.
Si le Canada veut adopter un rôle de premier plan à la COP30, il doit commencer par démanteler les fondements légaux coloniaux de sa propre économie forestière. Cela signifie d’affronter la dure réalité que la doctrine de la découverte fait non seulement partie de l’histoire, mais aussi des lois; elle est toujours opérationnelle, toujours extractive, et elle définit encore qui décide ce qui est d’« intérêt national ». Cela signifie également que les sept prochaines générations héritent de terres saines par rapport à ce dont nous avons hérité dans le cadre de la crise climatique croissante.
La répudiation de la doctrine ne peut s’arrêter à des excuses ou à une reconnaissance symbolique si on souhaite qu’elle ait une quelconque signification. Elle doit atteindre le mécanisme juridique qui continue à appliquer la logique de la doctrine. Il faut donc réécrire les lois sur l’environnement et les ressources afin de reconnaître les gouvernements autochtones comme des autorités constitutionnelles égales; des législateurs dont la compétence est antérieure à celle de la Couronne et non pas des intervenants, ni des personnes consultées. Il faut également reconnaître les ordres juridiques autochtones comme contraignants et non facultatifs, aux côtés des lois fédérales et provinciales.
Un Canada qui rejetterait véritablement la doctrine accepterait que la gouvernance écologique ne soit pas une compétence fédérale à centraliser sous « l’intérêt national », mais une responsabilité partagée fondée sur le droit autochtone, les liens profonds et le souci pour les générations futures. Il rejetterait la fausse dichotomie entre croissance économique et justice environnementale. Il verrait la prospérité non pas en tant que vitesse d’extraction, mais en tant que durabilité des relations entre les personnes, l’eau et les forêts. Alors que la COP30 appelle le monde à remettre en question les limites des économies extractives, le Canada doit reconnaître que ses engagements climatiques n’auront de sens que s’ils reflètent ces principes, plaçant la compétence autochtone et l’intendance écologique à long terme au centre d’une politique climatique crédible.






