La COP29 : des négociations aussi grises que le ciel de Bakou

(Photo : Andréanne Brazeau)

Je reviens de Bakou en Azerbaïdjan où j’ai participé à ma sixième COP sur le climat. Chacune d’entre elles a sa propre couleur, sa propre histoire. Laissez-moi vous raconter celle de la COP29, qui devait se tenir du 11 au 22 novembre dernier, mais qui s’est finalement conclue aux petites heures du matin le 24 novembre dans un climat de colère et de tension.

Andréanne Brazeau, analyste principale des politiques du Québec.

Que veut dire « COP »?

L’acronyme COP veut dire « Conference of the Parties » ou, en français, « conférence des parties ». Ces « parties » sont en fait des États qui s’engagent à « prendre part » à une convention internationale. Cette année, il s’agissait de la 29e Conférence des Parties (COP29) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) adoptée en 1992.

Vous avez entendu parler de la COP16 plus tôt cette année? Vous ne rêvez pas. Des COP sont également organisées sous la Convention sur la diversité biologique. La 16e COP sur la biodiversité s’est tenue en Colombie en octobre.

La COP29 : un échec selon les pays les plus vulnérables face à la crise climatique

Pour les organisations environnementales, comme la Fondation David Suzuki, une COP ne peut être considérée comme une réussite que si les pays et les communautés les plus touchés par la crise climatique estiment que c’en est une.

Malheureusement, les pays riches ont manqué à l’appel quand est venu le temps de faire leur part quant à la finance climatique, à faire croître l’ambition pour sortir des énergies fossiles et à défendre les droits humains.

Voici pourquoi la COP29 passera à l’histoire pour les mauvaises raisons :

1. Un pacte financier à des années lumières des besoins

La COP29, présentée comme la « COP de la finance », avait pour ambition de fixer un nouvel objectif mondial de financement annuel par les pays développés. Celui-ci visait à soutenir les efforts de décarbonation et d’adaptation des pays du Sud, ainsi qu’à compenser leurs pertes irréversibles, mais il a finalement mené à un nouveau pacte financier fort édulcoré par rapport aux attentes.

Alors que les pays du Sud demandaient la somme de 1300 milliards annuellement à partir de 2025 – une somme qui ne représente qu’une fraction des dépenses annuelles des pays riches en subventions aux énergies fossiles et en guerre, c’est finalement le chiffre désolant de 300 milliards qui a été retenu et qui a été adopté malgré les objections claires de bon nombre de pays. Les représentant.e.s des pays du Sud ont notamment qualifié cette conclusion de « trahison » et d’ « abandon ».

2. Aucune avancée sur la sortie des énergies fossiles

Les trois trames de négociation dans lesquelles des progrès auraient pu être faits pour concrétiser le langage historique adopté l’an dernier à la COP28, soulignant qu’il fallait « faire la transition hors des énergies fossiles », ont mené à des culs-de-sac. Cette situation est particulièrement préoccupante à l’approche de 2025, une année cruciale où tous les pays devront renforcer leurs engagements climatiques.

3. Les droits humains placés au second plan

Face à un contexte géopolitique délicat à la suite des élections américaines, la présidence azérie n’a pas su relever le défi de cette « COP de la finance » non seulement en termes d’ambition globale, mais également sur le plan des droits humains.

« C’est extrêmement préoccupant que tous les mentions des droits humains aient été retirées du texte sur l’objectif financier mondial et que les négociations sur les femmes et le genre aient reculé d’environ 10 ans. Ça, c’est en plus du fait que les espaces civiques étaient fort restreints sur place. Cette COP29 ne doit absolument pas créer de précédent en matière de droits fondamentaux au risque de voir évoluer le régime climatique en marque des autres régimes internationaux. Il n’y a pas de justice climatique sans société civile. », soutien Andréanne Brazeau, analyste principale des politiques du Québec.

Lobbyistes fossiles

Cette année encore, les lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles étaient présents à Bakou, cherchant à freiner la transition vers les énergies renouvelables et à promouvoir des solutions de diversion dangereuses.

Au total, plus de 1 700 lobbyistes fossiles ont participé à la COP, surpassant en nombre les délégations des 10 pays les plus vulnérables à la crise climatique réunies!

Fait alarmant, près d’une trentaine de ces lobbyistes faisaient partie de la délégation canadienne.

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Passez à l’action

Photo : Marie-Ève Leclerc, Équiterre

Y a-t-il donc encore de l’espoir?

Chaque dixième de degré de réchauffement climatique que l’on évite épargne des millions de vies des pires effets du dérèglement du climat. Aussi imparfait le système multilatéral actuel soit-il, il demeure le seul à notre disposition pour limiter le réchauffement climatique.

Pour le Canada, ça veut dire quoi? Continuer à s’engager dans le processus! La prochaine étape est la soumission des « contributions déterminées au niveau national » (CDN) ou, en d’autres mots, la prochaine cible climatique 2035 ainsi que le plan d’action qui l’accompagne qui sont tous deux attendus pour février 2025. Une CDN à la hauteur de la crise climatique et de la responsabilité historique du Canada et du Québec permettrait de montrer leur bonne volonté sur la scène internationale.

En outre, lors de la COP29, le Royaume-Uni a annoncé sa cible – ambitieuse! – pour l’année 2035 : une réduction de 81% de ses émissions de GES tel que lui a recommandé son comité sur les changements climatiques. Il met ainsi la barre haute pour les autres pays du G7, dont le Canada. D’ailleurs, une analyse fondée sur le principe de juste part conclut que notre cible de 2035 devrait être de 80%.

S’étant joint par décret à l’Accord de Paris en 2016, le Québec doit aussi se prêter au jeu au cours de l’année 2025. N’ayant pas renouvelé la cible québécoise depuis qu’il est au pouvoir, le gouvernement actuel a du rattrapage à faire.

Pourquoi participons-nous aux COP?

Les raisons de participer à ces sommets internationaux sont nombreuses, mais en voici une essentielle: nous n’avons pas le luxe de nous désengager.

Aussi imparfait soit-il, c’est le seul mécanisme que nous ayons pour faire face à l’urgence climatique à l’échelle mondiale à l’heure actuelle. Il nous donne des clés pour tenir nos gouvernements responsables en matière de climat à l’échelle nationale et provinciale. C’est aussi une instance qui, en théorie, offre une voix égale à tous les pays et qui permet l’engagement de la société civile.

Faut-il la réformer?

Certes, mais nous n’avons pas le privilège de nous en passer en cette décennie cruciale.

De gauche à droite : Philippe Simard, conseiller chez COPTICOM, Stratégies et relations publiques, Andréanne Brazeau, l’autrice du texte et déléguée de la Fondation David Suzuki, Charles-Édouard Têtu, analyste des politiques climatiques chez Équiterre, et Patrick Rondeau, directeur - service environnement et transition juste à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, lors d’un panel du G15+ sur le dialogue social à la COP29.

En route vers Belém : quoi surveiller d’ici la COP30?

Avec comme trame de fond un contexte géopolitique mondial particulièrement tendu ainsi qu’une société civile et des paliers de gouvernance locaux fortement mobilisés, le Brésil a du pain sur la planche pour redonner espoir à la population mondiale envers le multilatéralisme comme solution à la crise climatique.

D’ici là, les négociations se poursuivront, et la Fondation David Suzuki continuera de travailler avec ses partenaires pour exiger du Canada qu’il soit à la hauteur de l’urgence climatique. Les négociations de Bonn au printemps prochain seront l’occasion de mettre la table pour la COP30 afin que l’on accélère la sortie des énergies fossiles. Le Canada sera aussi l’hôte du sommet du G7, qui rassemble les dirigeant.e.s de sept des pays les plus responsables de la crise climatique. Ce sera une autre occasion de nous sortir la tête des sables bitumineux et de planifier la transition juste.

Passez à l’action!

D’ici là, le Canada et le Québec peuvent – et doivent – continuer à mettre en œuvre des mesures fortes et ambitieuses pour faire notre juste part dans l’effort climatique mondial. Joignez votre voix à la nôtre pour exiger le plafonnement et la réduction des émissions de GES de l’industrie fossile!

Exigez un plafonnement des GES