Photo: Mélissa Mollen-Dupuis

Nukum!
Nukum!
NUKUUUUUMMMMM!!!

Un cri du cœur qui lancé par Rita, Uapukun et Zélya Mestokosho, trois générations de femmes de la Kukum à la ussima, de la grand-mère à la petite-fille. Mes cousines, mes grandes et petites sœurs, car les liens qui se font quand un village élève un enfant brouillent ses frontières du sang et renforcent les liens de la famille.

Nukum : ma grand-mère, le cri se répercute jusque sur les murs de pierre de l’île en face de ma communauté et nous revient. Un écho du cœur et la kukum qui répond en montrant son dos qui tranche les eaux sombres en deux. Le cœur se remplit à chaque fois que la grand-mère baleine répond à l’appel : Mishtamekᵘ, le gros poisson.

La première fois que Rita a appelé la baleine pour moi, j’étais au village pour collecter des récits et témoignages sur le caribou et la relation à la forêt des Innus. Alors qu’elle m’offre généreusement un chant pour la vidéo que l’équipe de la Wapikoni mobile m’aidaira plus tard à monter, je lui lance à la blague : ‘« Si jamais tu pouvais faire sortir les baleines pour mon film! » Elle me lance un petit sourire pour ensuite appeler la Kukum de la mer. Au moment où l’équipe de tournage est en train d’enregistrer, totalement concentrée et captivée par Rita et son tambour, je me tiens juste derrière et tout en silence Nukum sort son dos, curieuse des vibrations qui l’appellent. Seule témoin de ce moment, qu’aucune caméra n’a pu capter, je reste sous la magie qui opère chaque fois que je suis ici et que les femmes de ma communauté semblent pouvoir faire vivre, aidant ainsi à connecter ceux qui ne sont pas de ce territoire. Non pas que les hommes n’aient pas de magie, mais en société de transmission des savoirs et des rôles, j’ai plus souvent la chance de voir le pouvoir guérisseur des femmes. Ce premier appel, il y a un an, c’était le cri de la grand-mère. Maintenant, c’est une petite fille qui le lance –et encore la grand-mère lui répond.

Ma nouvelle visite me permet de voir à quel point les femmes sont présentes et actives à transmettre les savoirs et partager la culture à qui est prêt à apprendre.

Ma nouvelle visite me permet de voir à quel point les femmes sont présentes et actives à transmettre les savoirs et partager la culture à qui est prêt à apprendre. Le centre culturel est vibrant d’activités, des touristes venus d’Allemagne sont descendus de leur paquebot géant et font la route depuis Havre-Saint-Pierre pour vivre une expérience unique où s’entremêlent culture, nature et spiritualité. Même la relation, autrefois très tendue, entre les gardiens des Parcs Canada et la communauté semblent avoir pris une nouvelle direction, quand à ma dernière journée nous sommes emmenées à bord de leurs embarcations pour venir offrir sur l’Île Quarry (carrière en anglais) saumon, bannique et savoirs aux visiteurs du parc. Ils apprendront le vrai nom de l’île : Massishk napaut minishtikᵘ, l’île du cèdre debout.

Le bateau est rempli de femmes. Yvette, Gaëlle et Aurélia, trois générations elles aussi qui viennent valoriser notre langue, Shaushet et Priscilla qui partagent leurs savoirs sur les plantes médicinales, et finalement Rita, Uapukun et Zélya, femmes de la mer et des rivières. L’équipe qui nous accompagne, elle-même ouverte et intéressée à ces savoirs, cette utilisation respectueuse du territoire, transforme radicalement les échanges qui autrefois faisaient des aires protégées des aires inaccessibles aux Innus. Aujourd’hui, un consensus mondial est en train de s’établir pour reconnaitre que l’utilisation et l’occupation des aires protégées par ses occupants originels garantie souvent mieux leur protection .

Cette relation est également liée par les esprits qui ont ajouté, à travers le spectre plus large de ce qu’est la maternité, leur force et connaissances.

Ces femmes de ma famille ne sont pas des sorcières, elles ne font que continuer de transmettre et protéger ces savoirs et les territoires qui les contiennent.

C’est cette relation millénaire au territoire qui est magique et qui continue de se transmettre entre les grands-mères et les petites filles. La relation millénaire qui est créée entre chaque femme et les femmes qu’elle créera à son tour, par la rivière millénaire qui se transmet à chaque naissance. Cette relation est également liée par les esprits qui ont ajouté, à travers le spectre plus large de ce qu’est la maternité, leur force et connaissances. C’est cette relation qui fait que la baleine répond encore.

Entre femmes, on se comprend.