Honorer les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

Marche des femmes autochtones

Pour mettre fin au génocide et reconstruire le Canada en tant que nation libérée du joug colonial, il faudra établir une nouvelle relation et un partenariat égalitaire entre tous les Canadiens et les peuples autochtones. (Photo : Dulcey Lima via Unsplash)

Le 14 février est une journée pour honorer les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA* autochtones disparues et assassinées. Vous vous demandez à quoi cela fait référence? Nous retraçons pour vous l’histoire qui se cache derrière ces mots, une histoire qui nous implique et qui est aussi la nôtre.

D’où l’on part

Il y a des statistiques qui font froid dans le dos et qui nous conduisent à réaliser que certains problèmes ne sont pas le fait d’actes isolés, mais ont une portée sociétale beaucoup plus grande. Nous savons que dans le monde, les femmes et les personnes 2ELGBTQQIA sont beaucoup plus à risque de subir différentes formes de violence que les hommes.

Au Canada, bien que les femmes autochtones forment 4 % de la population féminine, elles représentent 16 % des femmes assassinées entre 1980 et 2012. Entre 2001 et 2015, le taux d’homicides au pays était près de six fois plus élevé pour les femmes autochtones que pour les femmes allochtones. Plusieurs rapports publiés entre 2000 et 2015 ont permis de recueillir des données et de mieux entrevoir l’ampleur du phénomène (p. ex., en 2004, Amnesty International a compilé plusieurs récits de femmes disparues et assassinées, qui lèvent le voile sur l’intensité de la violence à laquelle sont soumises les femmes autochtones au Canada). Face à ce constat, de nombreuses familles, collectivités et organisations autochtones, non gouvernementales et internationales, ont fait pression sur le gouvernement du Canada pour qu’il mette sur pied une commission nationale d’enquête afin de faire la lumière sur cette crise sociale qui affecte les femmes et les filles autochtones.

Un long processus d’enquête

C’est ce qui a été fait en décembre 2015, lorsque le gouvernement fédéral a annoncé le lancement de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Plus de trois années vont suivre où les commissaires de l’Enquête entendront les témoignages de 2 380 membres de famille, survivantes de la violence, expertes et gardiennes du savoir, par le biais d’audiences publiques et de processus de consignation de la vérité tenus d’un bout à l’autre du pays.

Le rapport final de l’Enquête nationale, publié en juin 2019, révèle que les violations persistantes et délibérées des droits de la personne et des droits des Autochtones, et les abus qui en découlent, sont à l’origine des taux effarants de violence envers les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones. Cette violence qui leur est infligée est qualifiée d’« incommensurable tragédie nationale ». Et elle n’est pas étrangère aux enjeux environnementaux : le rapport de l’Enquête identifie les camps de travailleurs (non autochtones) embauchés pour construire des pipelines sur les terres autochtones (appelés « camps d’hommes ») comme un facteur substantiel de l’augmentation des agressions sexuelles et des meurtres de femmes, de filles et de personnes 2ELGBTQQIA autochtones. Ainsi, l’exploitation des combustibles fossiles aggrave non seulement les crises du climat et de la biodiversité, mais elle est aussi profondément liée à la violence contre les femmes.

Des appels à la justice qui attendent encore d’être répondus

En tout, le rapport final formule 231 appels à la justice distincts s’adressant aux gouvernements, aux institutions, aux fournisseurs de services sociaux, à l’industrie, et à l’ensemble des Canadiens et Canadiennes. Un rapport complémentaire spécifique au Québec a été rédigé afin d’accorder une attention particulière au problème de la violence envers les femmes et les filles autochtones dans cette province. Beaucoup de travail reste à accomplir pour que nos institutions se saisissent sérieusement de l’enjeu et éradiquent ces injustices.

Pour mettre fin au génocide et reconstruire le Canada en tant que nation libérée du joug colonial, il faudra établir une nouvelle relation et un partenariat égalitaire entre tous les Canadiens et les peuples autochtones.

Qajaq Robinson

Vous vous demandez ce que vous pouvez faire? S’éduquer fait grandement partie de la solution. Consultez le site internet de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées pour en apprendre plus sur le sujet et consulter les appels à la justice. La diversité des expériences vécues par les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones au Québec et au Canada est riche et complexe, et doit être pleinement reconnue et comprise par l’ensemble de la population.

Comme l’a dit la commissaire Qajaq Robinson : « Pour mettre fin au génocide et reconstruire le Canada en tant que nation libérée du joug colonial, il faudra établir une nouvelle relation et un partenariat égalitaire entre tous les Canadiens et les peuples autochtones. J’espère que le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées nous aidera à y parvenir. ». Honorons celles qui sont parties, ne les oublions jamais, et continuons de faire la lumière sur cette crise des droits de la personne pour qu’elle soit traitée comme telle – et que la situation change pour de bon.

*deux esprits, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, en questionnement, intersexuées, asexuelles