L’humanité semble être au bord du gouffre. D’une part, nous savons que le remplacement rapide du charbon, du pétrole et du gaz par des énergies renouvelables, sans oublier la protection et la restauration des puits de carbone comme les forêts et les milieux humides, contribuera largement à ralentir la progression des effets aggravants du dérèglement climatique. Nous savons aussi que les droits des femmes, les services de planification familiale, l’accès aux méthodes de contraception et l’éducation constituent les meilleurs moyens de stabiliser la croissance démographique et d’ouvrir de meilleures perspectives à un plus grand nombre de personnes.
Mais d’autre part, un nombre relativement petit, mais actif et influent, d’individus, a politisé ces enjeux que sont les droits de la personne et la survie, encouragé en cela par les initiatives de relations publiques et l’argent des entreprises. À cet égard, ce qui se passe au sud de la frontière est éloquent.
Au Texas, par exemple. Cet État promulgue des lois draconiennes, sans que la Cour suprême des États-Unis intervienne, qui rendent illégal le fait même d’envisager d’interrompre une grossesse ou d’aider une personne à le faire et qui transforment les citoyens en justiciers habilités à poursuivre les « délinquantes » présumées. D’autres États américains devraient emboîter le pas.
Le droit de vote est menacé dans plusieurs États. La réglementation climatique est tributaire des caprices de personnes qui empochent des dons faramineux des industries les plus touchées.
Les choses ne sont guère mieux suite aux élections fédérales ici à l’approche d’un autre scrutin majoritaire uninominal à un tour, où les principaux candidats appuient le transport par pipeline et les combustibles fossiles, tout en dévoilant des plans climatiques qui ne seraient pas à la hauteur même s’ils étaient scrupuleusement appliqués. Le Canada n’a encore atteint aucune cible climatique. Par comparaison aux États-Unis, nous ne semblons pas avoir une grande propension à restreindre les droits des femmes et des personnes non blanches, mais nous ne pouvons pas nous permettre de verser dans l’autosatisfaction. Un changement peut survenir rapidement.
Partout dans le monde, on assiste à la montée des mouvements autoritaires, ce qui ne présage jamais rien de bon.
La plupart s’opposent aux droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression ainsi que les droits des femmes et des personnes LGBTQ2+, et se montrent peu enclins à trouver des solutions à des crises comme l’urgence climatique et l’extinction.
Il est difficile de ne pas se laisser envahir par la colère et le désespoir. Depuis de nombreuses années, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme, car nous, les êtres humains, sommes si nombreux, puissants et cupides que nous menaçons notre propre survie en détruisant la nature. Pourtant, il a fallu Greta Thunberg, une jeune fille sans intentions cachées ni inclination pour le statu quo, pour faire prendre conscience à des millions de gens de la réalité : si nous continuons à vivre comme nous le faisons, nos enfants n’auront pas d’avenir.
Tous les éléments composant la nature, y compris nous, sont interreliés, et il en va de même pour nos grandes crises et leurs solutions. La plupart des problèmes environnementaux, notamment le changement climatique, découlent d’un modèle économique qui n’a jamais été très sain en raison de son asservissement à la consommation à outrance et à la culture automobile; nous savons maintenant qu’il est archaïque et destructeur. Pendant que les dirigeants d’entreprise et leurs amis politiciens décuplent leur richesse, la situation des travailleurs accuse un recul et l’écart entre les riches et les pauvres s’accentue chaque jour.
Au nom du progrès et du profit, les pays riches déchirent et écument les pays pauvres et les terres autochtones. Les droits des femmes sont restreints pour les empêcher de s’opposer à des dispositions patriarcales.
Pour faire pencher la balance du côté du bien, il faut s’impliquer et monter au créneau afin de renforcer les droits de la personne, d’entreprendre une véritable action climatique, de protéger l’environnement et de remplacer des systèmes économiques anachroniques.
Mais pour ceux d’entre nous qui jouissent de privilèges enviables, il est facile de fermer les yeux.
Bien sûr, nous ne pouvons pas ignorer la recrudescence des incendies de forêt, des inondations et des sécheresses, les températures record et les inquiétudes des familles et des amis. Et nous ne pouvons pas non plus manquer de noter que les droits des femmes, conquis de haute lutte, sont bafoués aux États-Unis et ailleurs. Mais la plupart d’entre nous peuvent encore se rendre à l’épicerie en voiture, prendre l’avion pour des destinations agréables et maintenir une température constante et confortable toute l’année dans les maisons et les lieux de travail.
En ce qui concerne le dérèglement climatique, nos actions d’aujourd’hui auront des répercussions dans les décennies à venir. Si, du jour au lendemain, nous cessons d’utiliser les combustibles fossiles, les émissions excessives déjà rejetées dans l’atmosphère seront quand même présentes pendant des dizaines d’années. Plus nous en produisons, plus la situation empire. Et si nous ne défendons pas les droits de la personne et ne les faisons pas respecter, ils continueront à s’éroder, ce qui aura de graves conséquences à long terme.
Par moments, il est ardu de se tenir courant de tout ce qui se passe alors que nous sommes tous aux prises avec nos propres préoccupations. Mais il peut être motivant de faire un geste positif. Alors avant de voter, il ne faut pas hésiter à examiner les programmes des partis pour connaître leur position sur des enjeux importants, entre autres le climat. C’est un pas dans la bonne direction.
Les personnes qui veulent restreindre les droits et traitent la crise climatique par le mépris sont une minorité, mais elles se font davantage entendre. Cela doit changer.