En quoi l’art immersif sert-il la cause environnementale?

Alors que l’exposition immersive Nature Vive entend sensibiliser le public aux enjeux de la biodiversité, quelle place revête l’empathie dans cette démarche? Pour répondre à cette question, la Fondation David Suzuki s’est entretenue avec Sam Greffe et Émile Roy, respectivement directeur de la création et créateur du troisième tableau de l’œuvre, Élevons-nous face aux défis.

L’art immersif permet en quelque sorte de faire voyager les gens, et c’est en voyageant que l’on apprend et que l’on développe notre sensibilité en tant qu’être humain

Émile Roy

L’intention

Nature Vive s’appuie sur les décisions qui ont été prises à l’occasion de la COP15 sur la biodiversité à Montréal en décembre 2022. Afin de sensibiliser les gens à leur pouvoir d’action individuel et collectif, l’exposition dépeint en trois parties les écosystèmes mondiaux, puis l’interdépendance entre les espèces et enfin, les actions portées par les êtres humains pour répondre à l’urgence suscitée par la crise environnementale.

L’idée centrale? Que le public quitte l’exposition émerveillé de la beauté de la nature et qu’il ait envie d’agir. L’équipe d’OASIS avait à cœur de combattre l’écoanxiété, en offrant des perspectives positives grâce à l’art. Les différentes propositions artistiques exprimées dans les trois volets reflètent ainsi la multiplicité des voix, afin que l’exposition touche tout.e un.e chacun.e, selon Sam Greffe.

L’empathie, moteur de Nature Vive

Ici, l’art immersif est un vecteur d’expression et de transmission des émotions. Comme le fait remarquer Émile Roy, la troisième galerie de l’œuvre montre que l’empathie est partagée par l’ensemble des êtres vivants, que ce soient les animaux ou les humains. La narration de Joséphine Bacon rappelle d’ailleurs que tous les éléments de la nature sont interconnectés, selon les perspectives des Premières Nations.

L’art immersif permet alors de créer une proximité avec les spectateurs et les spectatrices. En les plaçant au centre de l’expérience, il leur permet de choisir leurs perspectives et le rythme auquel iels la vivent. « On se trouve dans un regroupement de plusieurs formes d’art. On sent l’énergie des gens autour de soi, comme lors d’un festival ou d’un concert, et on peut décider de l’endroit où porter le regard », complète le créateur du troisième tableau.

Dans chaque volet de l’exposition, Sam Greffe explique qu’il y a l’objectif de créer un parcours émotif précis, qui rejoigne le cheminement narratif de l’œuvre. Ainsi, l’empathie est suscitée dans la première galerie, qui vise à engendrer un lien réel entre le public et les animaux projetés à 360° dans la pièce.

L’humilité, au service de l’empathie

D’entrée de jeu, la posture d’humilité s’impose face à l’évidence que la nature est grandiose et dépasse l’être humain, comme le mentionne Émile Roy. Sam Greffe complète en disant que c’est pour cette raison que la planète Terre est représentée, et que l’équipe derrière Nature Vive a travaillé selon le concept du très grand vers le très petit.

Cette humilité, comme le dit Joséphine Bacon, est une clé pour se diriger vers l’empathie, lorsqu’elle nous dit de respecter la nature comme l’on respecte nos ancêtres. L’humilité nous amène à écouter et quand on écoute, on est empathique.

Sam Greffe

L’art immersif permet-il alors d’être plus empathique que l’art visuel classique? Certainement pas, d’après les deux interviewés. L’empathie ressentie dépend de plusieurs facteurs, tels que la posture du public au regard de ce médium et de son humeur, entre autres. Émile Roy précise d’ailleurs que plusieurs avenues en art immersif sont à ce jour inexplorées et pourraient mêler à la fois le cinéma, le théâtre et la danse.

« La technologie est si présente dans toutes les sphères de la création que le narratif tend à prendre de plus en plus le dessus. On essaie de faire des choses qui soient porteuses avant d’être des feux d’artifice de technologie. L’art immersif est encore à définir, entre le spectaculaire et la nécessité de raconter des histoires et de faire vivre des choses aux gens », explique Sam Greffe.

Quoi qu’il en soit, cet outil de communication a une portée sociale positive au regard de la crise en environnementale. Alors qu’il serait plus facile de créer des projets montrant les conséquences des changements climatiques, la peur et l’urgence, Nature Vive fait place aux émotions positives, comme l’espoir, la détermination et la créativité.