Dans son livre Les visages de l’écoanxiété, l’autrice engagée depuis 20 ans dans l’écosocial, Inês Lopes, aborde les facettes des écoémotions, ainsi que les manières de les transformer en un engagement qui soit bénéfique pour l’environnement.
Si les crises peuvent être un synonyme de rupture et de violence, elles attisent toutefois des changements et des regroupements solidaires, comme l’a montré le mouvement Fridays for Future.
L’autrice pose alors une nouvelle équation : celle de la compassion, de la solidarité et de la créativité.
Il s’agit de garder ce qui fonctionne et de rééquilibrer ce qui marche moins bien, en étant créatif.ve dans tous les secteurs pour se réinventer. Cela demande des efforts et des transformations.
Écoanxiété : atténuation et acceptation
L’écoanxiété est définie comme « une émotion et des préoccupations, vécues à différents degrés d’importance par rapport à l’environnement, aux impacts environnementaux ou sociaux, à l’avenir ou en lien avec l’inaction observée (individuelle, sociétale, politique ou celle des entreprises) » selon Inês Lopes.
Qu’elle se traduise à la suite d’expériences directes ou indirectes, les écoémotions appellent une chose : des changements! Il est donc nécessaire de les corriger en les adaptant et en les atténuant.
Pour ce faire, l’autrice appelle à reconnaître qu’il y a des problèmes plutôt que d’être dans le déni; s’engager à modifier ces situations par le biais d’actions individuelles, collectives ou systémiques; et trouver des stratégies d’adaptation, telles que la résolution de problèmes, l’autorégulation émotionnelle et le soutien social.
S’adapter, c’est regarder les situations droit dans les yeux, conscient.e.s tout autant des dérives qu’elles amènent que des occasions de changement qu’elles créent.
Les avantages qui en découlent ne sont pas des moindres! Elle note notamment le fait de favoriser de réelles transformations; l’accroissement du sentiment d’écocitoyenneté, de responsabilité et d’accomplissement; l’autonomisation; ainsi que le vécu de plus d’expériences et d’émotions « agréables ».
La crise environnementale touche tout le monde, peu importe l’âge, le pays de résidence, la fonction, le degré d’urgence vécu, les émotions ressenties, les capacités d’adaptation et les solutions proposées.
L’ensemble de ces différences doit être reconnu équitablement, car les enjeux environnementaux affectent la santé psychologique, physiologique et communautaire des populations. S’occuper de l’environnement permet néanmoins d’atténuer, voire d’inverser ces effets, tout en nourrissant un sentiment de communauté, comme l’écrit Inês Lopes.
En outre, la crise environnementale est intrinsèquement liée à l’économie, que ce soit via la hausse des coûts des assurances et des dommages qui sont causés aux infrastructures, mais aussi car il est impératif et bénéfique d’investir de l’argent pour protéger les écosystèmes.
Des situations d’injustices environnementales découlent cependant de ces effets, puisque les impacts sur la santé dépendent des niveaux d’exposition, du degré de sensibilité et de la capacité d’adaptation de chacun.e. De plus les conséquences sont disproportionnées au Sud, et au Nord auprès des communautés autochtones.
Ces iniquités doivent donc être rééquilibrées grâce à des dialogues intergénérationnels, par exemple. L’autrice invite toutefois à faire preuve de discernement quant aux situations que l’on peut contrôler et celles sur lesquelles on ne peut pas agir. Il est question d’acceptation et de lâcher-prise.
Engagement : actions et adaptation
L’engagement peut se faire au moyen d’initiatives individuelles, comme l’illustrent Greta Thunberg et Wangari Muta Maathai. Être en contact avec la nature, les écogestes, le fait de s’informer et de partager son savoir ou encore l’art sont des idées parmi tant d’autres.
Il est aussi possible de recourir à des mesures collectives, en rejoignant un groupe citoyen, par exemple. Elles permettent un impact plus grand et génèrent moins de solitude et d’impuissance que les démarches isolées, comme le précise l’autrice.
Les actions peuvent également être systémiques : à l’échelle de l’économie, en passant d’une structure capitaliste vers des économies solidaires; sur le plan législatif, en intégrant la protection de l’environnement et de la justice sociale dans les lois; en matière d’éducation, en outillant les jeunes face à la crise climatique, notamment via l’ajout de contenus écosociaux dans les programmes scolaires; et dans le domaine de la santé.
Il faut encourager une “saine responsabilisation” de la société envers ses citoyen.ne.s et l’environnement
pense Inês Lopes.
Pour ce faire, elle suggère de trouver le point d’équilibre entre l’acceptation et l’action, qui tendent à être complémentaires, au lieu d’être dans l’évitement ou l’acharnement.
Elle explique qu’il est primordial de se sentir concerné.e, au lieu d’attendre que l’autre change. Il s’agit d’une valeur à cultiver tant sur plan individuel que sociétal, grâce à l’éducation, à la prise en compte de perspectives mondiales, à la justice sociale et au respect des droits humains, entre autres.
Enfin, prendre soin de soi-même est une condition sine qua non de l’engagement, du bien-être et de la durabilité des luttes environnementales. Il s’agit d’être à l’écoute des signaux que le corps envoie, mais aussi de nourrir des relations où le soutien et les solidarités en sont au cœur.