Il n’y a rien qui puisse justifier la gravité à laquelle sont arrivées les crises de la biodiversité et du climat, et aucune bonne raison ne suffit pour expliquer qu’on les laisse empirer. Nous avons identifié le problème depuis des décennies – alors qu’il y avait amplement le temps d’y faire face – et ce ne sont pas les solutions qui manquent. Plusieurs d’entre elles ont déjà généré des changements positifs et de nouvelles initiatives naissent chaque jour.
Partout dans le monde, on constate une transition rapide vers l’énergie électrique, et les énergies renouvelables – principalement solaire, éolienne et hydraulique avec stockage – représentent une part de plus en plus importante, soit 30 % en 2023, selon l’Energy Institute, contre 29 % l’année antérieure. Des politiques comme celle de l’Inflation Reduction Act, aux États-Unis, portent fruit : réduction des émissions, énergie plus propre et hausse de l’électrification (source en anglais). Parmi les retombées économiques, on retrouve également une réduction de la pollution et des coûts liés aux soins de santé qui y sont associés, un bon taux d’emploi et un rendement satisfaisant.
Nous avons identifié le problème depuis des décennies – alors qu’il y avait amplement le temps d’y faire face – et ce ne sont pas les solutions qui manquent.
Ça ne suffit pas.
En 2023, le charbon, le pétrole et le gaz représentaient 60 % de la production d’électricité; le charbon – ce gros polluant – occupant la plus grande part. La production d’énergie nucléaire, dispendieuse, potentiellement dangereuse et longue à développer, s’est quant à elle maintenue à un taux de 9 % (article en anglais). Cette même année, la production mondiale de pétrole a atteint des sommets.
De plus, nous savons également que la protection et la restauration des zones naturelles agissent comme une barrière contre les bouleversements climatiques : les océans, les plantes, les tourbières et les milieux humides séquestrent le carbone et l’empêchent d’entrer dans l’atmosphère. En 2022, lors de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (la COP15) qui s’est tenue à Montréal, les pays se sont ainsi entendus sur un plan de conservation de l’environnement, « pour stopper et inverser la perte de la nature, notamment en mettant sous protection 30 % de la planète et 30 % des écosystèmes dégradés d’ici à 2030. » Les progrès liés à cette entente seront évalués lors de la COP16 qui aura lieu en Colombie, plus tard ce mois-ci.
Le nœud du problème : l’extraction et l’utilisation accélérées de combustibles fossiles, l’exploitation forestière et la destruction des milieux humides représentent des activités extrêmement rentables.
La technologie ne pourra pas nous sortir complètement du guêpier que nous avons créé, mais elle continuera de faire partie intégrante de la solution. En effet, les avancées technologiques des dernières décennies nous portent à croire qu’il est possible de mettre au point des mesures encore plus efficaces. De nos jours, presque tout le monde transporte avec soi de mini-ordinateurs d’une puissance supérieure à celle des systèmes informatiques qui ont amené des gens sur la Lune! L’énergie renouvelable et les technologies de stockage s’améliorent à grande vitesse et leurs prix chutent.
Il nous faut également diminuer notre consommation d’énergie et la rendre plus efficace – ce qui ne devrait pas être difficile pour les populations des pays industrialisés dont l’utilisation d’énergie dépasse exponentiellement leurs besoins (source en anglais). En 2022, le Canada et les États-Unis se plaçaient respectivement au 7e et au 10e rang en matière de consommation en énergie par habitant.e. Le Qatar quant à lui, se classait premier. Une personne au Canada consomme en moyenne plus de 20 fois l’énergie utilisée par quelqu’un au Pakistan ou aux Philippines. Même lorsqu’on le compare à d’autres pays du nord, le Canada consomme près de deux fois l’énergie par habitant.e de la Suède ou de l’Allemagne.
Le nœud du problème : l’extraction et l’utilisation accélérées de combustibles fossiles, l’exploitation forestière et la destruction des milieux humides représentent des activités extrêmement rentables. Ce n’est pas pour rien que l’industrie automobile s’est pendant longtemps concentrée sur la construction de véhicules nécessitant d’énormes quantités de combustible. Notre système économique actuel – le capitalisme –, qui mesure le progrès en se basant sur le produit intérieur brut (PIB), fait la promotion d’une consommation excessive. En stimulant la croissance sur tous les plans, de la population au développement industriel, les profits se multiplient (bien que ceux-ci se concentrent essentiellement entre les mains de quelques personnes), générant ainsi plus de destruction.
Alors que les systèmes sur lesquels dépendent nos vies sont en train de se désintégrer, nous pouvons et nous devons changer les structures qui nous ont mené.e.s là où nous sommes.
Nous dépassons actuellement six des neuf limites planétaires et nous sommes sur le point d’en atteindre une septième. Ces limites représentent des « seuils de régulation de la stabilité et de la résilience du système terrestre. […] Leur dépassement augmente le risque de changements environnementaux soudains ou irréversibles de grande envergure », avertit le Stockholm Resilience Centre. Ces changements drastiques ne se produiront pas nécessairement du jour au lendemain, mais l’ensemble de ces limites marque un seuil critique d’augmentation des risques pour les personnes et les écosystèmes dont elles font partie.
Changements climatiques, nouvelles créations (substances chimiques de synthèse que la Terre ne peut pas éliminer, par exemple), transformation de la composition de la biosphère, modifications des flux biogéochimiques, changements dans l’utilisation du territoire, altération de l’eau douce : toutes ces limites ont été dépassées à différents degrés, et l’« acidification des océans est près d’atteindre un seuil critique » (article en anglais). Seuls l’appauvrissement de l’ozone et la concentration d’aérosols dans l’atmosphère se maintiennent stables ou s’améliorent, grâce aux accords internationaux.
La tendance peut être inversée. Les solutions existent. Mais il faut faire preuve de plus de prévoyance et d’imagination. Alors que les systèmes sur lesquels dépendent nos vies sont en train de se désintégrer, nous pouvons et nous devons changer les structures qui nous ont mené.e.s là où nous sommes.