
Banderole qui demande des « promesses de la COP30 ». Il faut se réapproprier ces forums! Nous devons nous affranchir de l’influence de l’industrie, placer les droits humains au cœur des préoccupations et faire en sorte que les objectifs soient contraignants. (Photo : UN Climate Change via Flickr)
En 1992, ma fille Severn, alors âgée de 12 ans (en anglais), a supplié les délégué·es (adultes!) présent·es au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, au Brésil, de cesser de détruire la planète. Trente-trois ans plus tard, nous sommes toujours en train de négocier — et de brûler des combustibles fossiles à des niveaux records.
Depuis les 30 dernières années, les représentant·es des pays du monde se réunissent lors des Conférences des Parties (COP) des Nations Unies sur les changements climatiques, promettant des solutions. Mais l’inaction politique continue d’aggraver les catastrophes climatiques.
Il est difficile de ne pas tomber dans le cynisme. Le processus de la COP est devenu un théâtre de contradictions. Les derniers sommets ont été organisés par des États pétroliers et financés par des pollueurs (en anglais). Les lobbyistes des énergies fossiles ont assisté à la COP28 et à la COP29 en plus grand nombre – 2 456 (en anglais) et 1 800 respectivement – que de nombreuses délégations nationales.
Le leadership autochtone est la voie la plus crédible pour aller de l’avant.
Les chef·fes de gouvernement permettent que des subtilités atténuent les grandes promesses. Lors de la COP28 à Dubaï, ils ont demandé une « transition vers l’abandon des combustibles fossiles », mais ont également accepté l’utilisation des « combustibles de transition », une faille que beaucoup de pays, y compris le Canada, utilisent pour justifier l’expansion du gaz « naturel ».
Alors pourquoi la COP30 est-elle tout de même importante? Parce que l’événement de cette année, qui se tiendra à Belém, au Brésil, peut revêtir une importance historique si nous permettons aux personnes qui protègent l’Amazonie de changer le rapport de force. La ministre brésilienne de l’Environnement et du Changement climatique, Marina Silva, l’a clairement exprimé : « Je dis souvent que la société fait des efforts, et que la science fait des efforts. Ce sont les gouvernements et les entreprises qui doivent passer à l’action » (notre traduction).
Cette conférence est présentée comme une « COP de la nature » (en anglais), une occasion de tisser des liens entre les objectifs en matière de climat, de biodiversité et de protection du territoire dans la plus grande forêt tropicale du monde, où les enjeux ne pourraient être plus importants. Le leadership autochtone est la voie la plus crédible pour aller de l’avant.
Au printemps, 180 organisations ont adressé une lettre (en anglais) à la présidence de la COP30 demandant l’arrêt de l’expansion pétrolière et gazière en Amazonie, faisant écho aux déclarations des nations autochtones amazoniennes. Quelques mois plus tard, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a affirmé que les gouvernements ont l’obligation légale de protéger les droits humains face à l’urgence climatique (en anglais).
Les personnes vivant en Amazonie subissent déjà les effets de la crise climatique (en anglais). De longues sécheresses et des incendies de forêt dévastateurs menacent les écosystèmes fluviaux, interrompent les transports et mettent en péril la sécurité alimentaire et la santé. Elles ont organisé d’importantes manifestations pour réclamer la protection de l’Amazonie et une place à la table des négociations (en anglais).
Le Canada doit décider du rôle qu’il souhaite jouer dans ce drame moral.
Cette année marquera également le dixième anniversaire de l’Accord de Paris, une réalisation majeure de la COP21. Cet accord visait à inciter les gouvernements à fixer et à atteindre des objectifs climatiques ambitieux. Les engagements mondiaux (en anglais) n’ont pas permis de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C, seuil au-delà duquel il est impossible de retrouver la stabilité que nous connaissions dans le passé.
Le Canada doit décider du rôle qu’il souhaite jouer dans ce drame moral. Le premier ministre Mark Carney ne soutiendra pas les objectifs en matière de gaz à effet de serre, affirmant qu’il se concentre plutôt sur « les résultats, et non les objectifs ». Mais on ne peut obtenir de résultats sans objectifs clairs, sans échéancier et sans responsabilité. Il est évident que si notre gouvernement continue d’approuver la construction de pipelines tout en mettant de côté les objectifs, les « résultats » se mesureront en feux de forêt, en inondations et en avenirs perdus.
Les politiques en matière d’énergie doivent s’appuyer sur la science. Cela implique de mettre fin aux projets liés aux énergies fossiles et de développer rapidement les énergies renouvelables pour les remplacer. Une véritable gouvernance climatique passe par une réforme des lois, des réglementations et des finances publiques, afin que les objectifs climatiques produisent réellement des résultats. Les accords commerciaux et d’investissement ne doivent pas compromettre les progrès en matière de climat, et chaque ligne budgétaire doit clairement soutenir la transition vers la décarbonisation.
Pour que la COP30 ait un sens, elle doit s’appuyer sur le leadership des peuples autochtones, car ils comprennent que notre destin est étroitement lié à celui de la forêt. Nous devons enfin donner le pouvoir à celles et ceux qui ont toujours protégé la Terre. Un véritable leadership climatique à la COP30 implique d’établir un plan assorti d’un calendrier pour mettre fin à l’expansion des énergies fossiles, de soutenir les transitions énergétiques menées par les peuples autochtones et de s’engager à contribuer de manière équitable au financement mondial.
Nous devons nous affranchir de l’influence de l’industrie, placer les droits humains au cœur des préoccupations et faire en sorte que les objectifs soient contraignants.
Le processus de la COP est imparfait et marqué par de nombreux échecs. Mais il reste l’un des rares espaces où la société civile, les jeunes, les scientifiques et les leaders autochtones peuvent affronter les autorités face à face (en anglais). C’est important. Nous avons désespérément besoin d’une collaboration mondiale accrue alors que le multilatéralisme est menacé et que l’autoritarisme gagne du terrain. Nous avons besoin de la solidarité internationale pour repousser la vague de nationalisme.
Il faut se réapproprier ces forums! Nous devons nous affranchir de l’influence de l’industrie, placer les droits humains au cœur des préoccupations et faire en sorte que les objectifs soient contraignants. Si la COP30 parvient à mettre en œuvre ce type de mesures nécessaires, le souvenir qu’elle laissera dans nos mémoires sera celui d’un nouveau départ.
Le pouvoir doit passer aux mains de celles et ceux qui protègent la forêt, et les coûts doivent être assumés par celles et ceux qui profitent de sa destruction. Le pouvoir devrait appartenir aux mouvements de première ligne qui se battent pour y parvenir!