Le mois dernier, le Canada, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont exprimé leur intention de mettre fin au financement du carbone des agences de crédit à l’exportation (ACE) au secteur du pétrole et du gaz lors du forum annuel de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en vue de l’objectif de l’Accord de Paris.
Composée de nations majoritairement puissantes qui établissent leurs propres normes commerciales, fiscales et environnementales, l’OCDE réglemente également les ACE de ses États-membres. Ces dernières sont des institutions gouvernementales qui octroient des prêts et des garanties subventionnés aux projets d’infrastructures partout dans le monde, notamment 41 milliards par an dans le secteur des combustibles fossiles entre 2018 et 2020 (article en anglais).
Alors que la volonté d’étendre les restrictions sur le financement alloué au secteur du pétrole et du gaz est encourageante pour un cadre international de désinvestissement lors de la COP28, elle n’est ultimement pas suffisante pour remédier aux violations des droits humains et environnementaux qu’engendrent les projets soutenus par ces agences de crédit à l’exportation.
Les agences de crédit à l’exportation forment la plus grande source de financement des combustibles fossiles dans le monde, ainsi que l’un des plus grands investisseurs de projets industriels étrangers dans les pays du Sud global.
Les agences de crédit à l’exportation forment la plus grande source de financement des combustibles fossiles dans le monde, ainsi que l’un des plus grands investisseurs de projets industriels étrangers dans les pays du Sud global. Au courant de la dernière décennie, elles ont investi autour de 80 milliards de dollars dans des projets de gaz naturel liquéfié, tels que la pipeline Vaca Muerta en Argentine et une usine de transformation et d’exportation en Mozambique (article en anglais). Malgré les engagements de diligence raisonnable des entreprises quant aux normes environnementales, la société civile a milité contre ces projets dans les deux pays en raison des violations des droits de la personne et du déplacement forcé des communautés autochtones engendrés par le processus d’extractivisme.
En raison de la compétitivité du marché, les ACE se précipitent souvent pour subventionner des projets que même les banques mondiales n’osent pas appuyer en raison des conséquences environnementales, socio-politiques et humaines catastrophiques projetées (article en anglais). La spéculation sur les dettes imposées sur les pays du Sud global par un système économique international injuste, ainsi que la fourniture d’armements aux gouvernements autoritaires, sont aussi souvent dirigées par les ACE (rapport en anglais). La poursuite sauvage du profit au détriment des habitant.e.s du Sud global témoigne de la cupidité inépuisable de ces entités, pourtant financées par des gouvernements occidentaux qui se disent préoccupés par la crise climatique et les droits humains.
La poursuite sauvage du profit au détriment des habitant.e.s du Sud global témoigne de la cupidité inépuisable de ces entités, pourtant financées par des gouvernements occidentaux qui se disent préoccupés par la crise climatique et les droits humains.
Malgré la volonté exprimée par certaines ACE de désinvestissement des projets de combustibles fossiles, il est important de comprendre que l’ordre mondial actuel, qui favorise largement les pays occidentaux et les puissances économiques, perpétue des violations des droits de la personne dans les pays du Sud global. L’OCDE inclut les grands barrages dans sa définition d’infrastructures durables et accorde des tarifs préférentiels aux pays qui en construisent (article en anglais).
Or, les impacts environnementaux et humains occasionnés lors du défrichage des terres pour permettre l’installation du barrage, ainsi que les conséquences sur la biodiversité après sa finalisation, ont été dénoncés par des communautés touchées. Par exemple, le barrage des Trois-Gorges en Chine, dont le financement était hautement convoité par des ACE canadien, français, allemand et suisse, a coûté des milliards en pertes agricoles causées par des inondations, forcé le déplacement des milliers de personnes de la minorité ethnique Ba, détruit des sites archéologiques et religieux sacrés, et alimenté la corruption locale et internationale (article en anglais). Déployées sans la surveillance et l’implication significative de la société civile, les alternatives soi-disant écologiques aux combustibles fossiles promues par les ACE ont trop souvent continué à semer la destruction et la pollution.
Le 4 décembre, le Programme pour l’environnement de l’ONU a annoncé la création du Net-Zero Export Credit Alliance (NZECA), formée par huit ACE en collaboration avec des ONG, afin de promouvoir la décarbonisation de l’économie mondiale (article en anglais). Alors que cela peut paraître comme une mesure bénéfique à la justice environnementale et climatique, l’existence même des ACE, propulsée par un système mondial profondément déséquilibré, menacera toujours la survie des populations du Sud global.
Nous, les environnementalistes occidentaux, avons le devoir de demeurer alertes à l’écoblanchiment et de dénoncer les impacts humains et socio-politiques des projets soi-disant verts – c’est ce qu’une véritable justice environnementale et climatique exige.