Depuis le 7 décembre, des représentants des gouvernements et de la société civile sont réunis à Tio’tia:ke / Mooniyang (Montréal) pour négocier un accord international visant à stopper et à inverser le déclin catastrophique de la biodiversité. Les attentes sont élevées quant à l’émergence d’un cadre ambitieux avec des objectifs et des cibles collectifs mondiaux pour 2030.
La violence à l’égard des femmes étant en hausse dans le monde entier, le Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 doit affirmer fermement l’égalité des sexes en reconnaissant explicitement l’égalité des droits des femmes et des filles et leur accès à la terre et aux ressources naturelles, ainsi que leur participation équitable et significative à la gouvernance de la biodiversité et à l’élaboration des lois.
Les négociateurs de la COP15 ne peuvent ignorer le fait que la dégradation des écosystèmes naturels a des impacts sexospécifiques, et que l’autonomisation des femmes et des filles partout dans le monde, en particulier celles qui sont autochtones et celles qui vivent dans les pays du Sud, est primordiale pour remédier efficacement à la perte de la biodiversité.
Les négociateurs de la COP15 ne peuvent ignorer le fait que la dégradation des écosystèmes naturels a des impacts sexospécifiques.
Les femmes représentent plus de 40 % de la main-d’œuvre agricole et 47 % de la main-d’œuvre de la pêche dans le monde, mais elles représentent moins de 20 % des propriétaires terriens. Un récent rapport des Nations unies indique que dans au moins 102 pays, les femmes se voient refuser les droits de propriété terrienne en vertu de lois coutumières, traditionnelles ou religieuses. Elles sont également surreprésentées dans les emplois précaires, mal payés et parfois non rémunérés, avec moins de droits légaux que les hommes : moins d’accès au crédit, moins de droits territoriaux, moins d’accès aux structures décisionnelles et aux sphères de gouvernance. Elles représentent 70 % des personnes les plus pauvres du monde et sont donc particulièrement touchées par la destruction écologique qui restreint l’accès aux ressources alimentaires, énergétiques et hydriques de base.
La perte de la biodiversité, les changements climatiques, la dégradation de l’environnement, l’épuisement des ressources et les déplacements de population exacerbent encore davantage les inégalités sociales et économiques existantes. En 2018, l’ONU a indiqué que 80 % des personnes déplacées par des catastrophes environnementales étaient des femmes. Nous savons également que la violence à l’égard des femmes a augmenté à la suite de catastrophes climatiques. Au Pakistan, les violences sexistes, telles que les agressions sexuelles, la traite des êtres humains et les mariages forcés, ont augmenté de 80 % après que des inondations dévastatrices ont forcé 33 millions de personnes à fuir leur domicile en 2022.
Les industries minières présentent des risques critiques pour les femmes. Au Canada, l’exploitation des combustibles fossiles est profondément liée à la perte de la biodiversité et à la violence contre les femmes. Le rapport du gouvernement du Canada sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées identifie les camps de travailleurs (non autochtones) embauchés pour construire des pipelines sur les terres autochtones (appelés « camps d’hommes ») comme un facteur substantiel de l’augmentation des agressions sexuelles et des meurtres de femmes, de filles et de personnes bispirituelles autochtones.
Les industries minières présentent des risques critiques pour les femmes. Au Canada, l’exploitation des combustibles fossiles est profondément liée à la perte de la biodiversité et à la violence contre les femmes.
Selon Justice and Corporate Accountability Project (JCAP), les sociétés minières en Amérique latine – dont 41 % sont enregistrées au Canada – ont régulièrement fermé les yeux sur les brutalités perpétrées par leurs employés contre les femmes locales.
Les guerres et les campagnes militaires endommagent également de manière irréversible les écosystèmes et les paysages naturels à l’aide d’explosifs, de métaux lourds et de véhicules polluants, et soumettent les femmes et les filles locales à des abus et à des meurtres, parfois en guise de tactique.
Les réalités de la dégradation des écosystèmes et des changements climatiques montrent que la réforme des lois sur la biodiversité et le climat doit donner la priorité et devenir un vecteur de protection et de consolidation des droits des femmes et des filles à la vie et à l’accès à la nourriture, à l’eau, à l’assainissement, à la terre, au logement, à l’éducation et à un travail décent. Pourtant, à tous les niveaux de l’élaboration des lois et de la gouvernance environnementale, les femmes ont été sous-représentées.
Face à la triple crise de la perte de biodiversité, des changements climatiques et de la violence sexuelle et sexiste, les femmes et les filles du monde entier sont confrontées quotidiennement à des violations de leurs droits fondamentaux. Les forums internationaux de prise de décision tels que la COP15 doivent faire de la place aux femmes autochtones et des pays du Sud. Ce n’est qu’avec leur participation active et en position d’autorité que la communauté internationale pourra réussir à mettre en œuvre des mesures efficaces pour stopper et inverser la perte de la biodiversité.
L’autonomisation des femmes et des filles est au cœur de nombreuses solutions qui doivent être mises en œuvre immédiatement pour régler les dettes écologiques et climatiques que les pays du Nord doivent au Sud. Pendant trop longtemps, les intérêts militaires et commerciaux ont dirigé les réponses à la perte de biodiversité et aux changements climatiques, alors que les femmes et les filles étaient en première ligne des luttes pour la justice environnementale et climatique. Il est temps que cette incohérence prenne fin.