Lorsque je vois les notions de « post-vérité » et de « faits alternatifs » gagner du terrain dans le paysage médiatique, je me dis que les politiciens, les médias et les lecteurs auraient besoin d’un petit cours de mise à jour sur la façon dont la science nous aide à comprendre le monde. Faire des reportages sur la science n’est pas chose facile. Quiconque essaie de communiquer des idées complexes et de condenser de longues études pour en faire des titres accrocheurs et de courts articles risque d’engendrer de l’information erronée et une compréhension limitée.
Les manchettes récentes au sujet d’une étude sur le climat, « Shifting patterns of mild weather in response to projected radiative forcing », publiée dans le numéro de février 2017 de Climatic Change, illustrent bien ce problème. Des médias ont conclu de l’étude que certains pays comme le Canada et le Royaume-Uni pourraient bénéficier d’une croissance de « journées douces » en raison des changements climatiques. Beaucoup ont omis de transmettre le vrai message à retenir : les changements climatiques auront des conséquences dévastatrices sur notre civilisation.
Il suffit d’interroger l’auteure de cette étude, Karin van der Wiel, chercheuse au Royal Netherlands Meteorological Institute. Elle a étudié la fréquence des journées plus douces à titre de chercheuse postdoctorale associée à l’Université Princeton et au U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration’s Geophysical Fluid Dynamics Laboratory. Elle a constaté que quelques pays, situés principalement dans les latitudes moyennes, connaîtront du temps doux un peu plus fréquemment — à savoir des températures entre 18 et 30 ºC avec moins d’un millimètre de pluie et un point de rosée à une température qui ne dépasse pas les 20 ºC. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
«Le climat change dans de nombreux endroits du monde ; on l’observe en ce moment même, a déclaré Mme Van der Wieldans un courriel. À l’échelle de la planète, le temps doux est à la baisse; dans de nombreux endroits, les étés vont progressivement devenir trop chauds et trop humides pour être considérés comme doux. Ces changements ne sont pas souhaitables.»
Mme Van der Wiel a choisi d’étudier les changements climatiques et le temps doux plutôt que les événements extrêmes comme les inondations, les feux de forêt et la sécheresse pour amener plus facilement les gens à s’intéresser au sujet et à vouloir en apprendre davantage.
«Je suis heureuse que cette étude ait été si largement diffusée; ainsi, plus de gens, espérons-le, découvriront que le climat modifie la météo chez eux et continuera de le faire dans les années à venir, a-t-elle déclaré, ajoutant que le temps doux n’est pas le seul aspect important des changements climatiques. Les autres, plus alarmants, ne devraient surtout pas être oubliés.»
Mme Van der Wiel fait remarquer que le temps doux n’est pas forcément bon, car il peut aussi engendrer des conditions négatives.
«Les prévisions de temps doux sous-tendent des changements dans les températures, les précipitations et l’humidité », dit-elle en soulignant que même si le temps doux peut créer plus d’occasions pour des activités comme le plein air, il pourrait aussi avoir des conséquences négatives comme modifier les schémas de fonte de la neige et menacer les sources d’eau.
Le temps doux au mauvais endroit et au mauvais moment peut s’avérer désastreux. Le feu de forêt qui a dévasté Fort McMurray l’année dernière a atteint les limites de la ville par une journée de temps doux, sans pluie, avec une température moyenne de 22,1 ºC, après plusieurs semaines de temps anormalement chaud et sec pour la saison.
«Le temps doux n’est pas bon pour tout, a écrit Karin Van der Wiel. Si vous aimez skier, vous n’apprécierez pas la hausse des températures. Nous n’avons pas étudié la relation entre les feux de forêt et le temps doux, mais il pourrait y avoir un lien qui confirme une fois encore qu’il faut atténuer le plus possible les changements climatiques à l’échelle de la planète.»
Cette recherche est une importante contribution au dossier des effets des changements climatiques, mais nous devons la situer dans le contexte de tout le travail en cours sur le climat. Avant d’étudier le temps doux, Mme Van der Wiel s’est penchée sur les précipitations extrêmes et les inondations aux États-Unis. Elle est passée depuis à un projet d’étude des conditions climatiques qui pourraient affecter négativement l’agriculture, afin de déterminer s’il est possible de prévenir les agriculteurs et les populations des risques de mauvaises récoltes.
La science est l’outil le plus précieux que nous avons pour nous adapter aux changements climatiques et éviter leurs pires conséquences. Mais, il nous faut faire preuve d’esprit critique et avoir une vision d’ensemble pour nous assurer que nous tenons compte de toutes les données disponibles. À l’heure où tant de gens se renseignent en jetant un coup d’œil aux messages de leurs médias sociaux plutôt que de lire des articles complets, la vérité et la clarté peuvent devenir aléatoires. Il nous revient à tous, que nous soyons journalistes ou consommateurs, de creuser un peu plus pour avoir un véritable portrait global de la situation.
*Avec la collaboration de Steve Kux, analyste des changements climatiques et des politiques publiques à la Fondation David Suzuki.
Traduction : Michel Lopez et Monique Joly