Amanda McCavour devant son œuvre présentée dans l’exposition « Retour à la nature », tenue au Musée canadien de la nature. (Photo : D. Steed)

Une nouvelle exposition, fruit d’un partenariat avec la Fondation David Suzuki et la revue Rewilding, présente diverses expressions artistiques de la renaturation.

La première œuvre qui accrochera votre regard à la nouvelle exposition du Musée canadien de la nature, « Retour à la nature » est un arrangement floral éclatant, presque surréaliste, suspendu au plafond. C’est la création d’Amanda McCavour. Difficile de passer à côté : on trouve au cœur du décor plus de 500 coquelicots, finement brodés sur du tissu soluble. Sous leur apparence de fragilité, les fleurs sont renforcées par chacun de leurs fils (et il y en a beaucoup). C’est peut-être l’allégorie la plus juste de la renaturation : à l’instar des coquelicots qui se resserrent grâce à chaque brin de fil, la nature gagne en résilience grâce à chaque effort individuel.

Cette création magnifique n’est qu’une des 13 œuvres présentées au musée d’Ottawa, en Ontario. Vos yeux seront également attirés par les œuvres de 12 autres artistes, dont la plupart ont gagné le premier prix Retour à la nature pour les arts de la Fondation David Suzuki (article en anglais). Chaque œuvre nous apparaît comme le simple prélude de ce que nous pourrions accomplir collectivement.

Anna Binta Diallo et Sarah Peebles, deux artistes participantes. (Photo : D. Steed)

Jode Roberts, gestionnaire du programme de renaturation des communautés de la Fondation David Suzuki, croit que la complexité de l’exposition pourrait surprendre les visiteur.euse.s. « Les gens ne s’attendront peut-être pas à trouver sous le même toit une combinaison aussi dynamique de perspectives écologiques, culturelles et artistiques », estime-t-il. Pour lui, cette exposition est une occasion de raviver notre lien avec la nature.

Si l’exposition tire sa richesse de chacun.e des artistes, qui se sont approprié à leur façon les thèmes de la nature et de la renaturation, elle est née d’un élan collectif. Ainsi, dans cet esprit de groupe, des ateliers interactifs seront proposés tout au long de l’année, à commencer par une invitation à créer leur propre tapisserie à la Angela Marsh. Cette artiste prend des fragments de plantes sauvages trouvés sur des terrains urbains abandonnés et les tisse avec minutie dans du papier bulle. Rassurez-vous : l’activité créative proposée aux visiteur.euse.s est une version raccourcie de la démarche d’Angela Marsh.

Les gens ne s’attendront peut-être pas à trouver sous le même toit une combinaison aussi dynamique de perspectives écologiques, culturelles et artistiques.

Jode Roberts, gestionnaire du programme de renaturation des communautés de la Fondation David Suzuki.

Xecê Khadija Baker est possiblement l’artiste la plus inspirante quand il s’agit de passer à l’action dans son propre quartier. Dans sa performance en direct de 22 minutes, intitulée « Performing Community Garden », elle explore le sentiment d’appartenance et le fait de se sentir chez soi. En tant d’immigrante syrienne, l’artiste explique que c’est à travers le jardinage qu’elle a trouvé un esprit de communauté, une découverte qu’elle cherche à transmettre aux autres d’une manière qui suscite la réflexion.

Le soin est un thème saillant de l’exposition, comme en témoignent les dessins de nature détaillés et les peintures colorées de Hashveenah Manoharan. Ces œuvres s’inscrivent dans la série « Marche lente » de l’artiste, baptisée ainsi avec un clin d’œil intentionnel à Mary Oliver, grande poétesse de la nature. Pour Hashveenah Manoharan, ralentir le pas est le moyen le plus simple de se mettre dans une posture attentive à la nature, qui nous amène à la respecter et à en prendre soin. L’artiste donne l’exemple des serpents, qu’elle craignait auparavant – comme bien des gens. « Avant que je ne commence à travailler et à vivre avec des serpents, je n’avais aucun intérêt à surmonter ma peur », raconte-t-elle. « Mais quand j’ai commencé à les chercher, je me suis mise à les apprécier. Et cet amour m’a encouragée à œuvrer à leur protection. Cet exemple montre que l’attention a le pouvoir de transformer notre relation avec la nature. Cette ouverture du regard qui, progressivement, débouche sur une attitude de respect et une volonté de prendre soin s’inscrit dans un puissant changement d’attitude. Un changement que tout le monde peut entreprendre, en commençant par marcher lentement. »

Une personne en train d’examiner un carnet de croquis de Hashveenah Manoharan. (Photo : D. Steed)

Autre source de peur (ou de répulsion) courante : les insectes. Mais Cole Swanson souhaite que nous apprenions à les apprécier. Ainsi, il a soigneusement collecté 280 spécimens d’insectes domestiques et les a ornés de morceaux de feuille d’or 24 carats, dans le but de montrer comment ces créatures souvent rejetées ou dénigrées méritent en réalité soin et attention.

Cette exposition, qui se tiendra du 11 octobre 2024 au 8 septembre 2025, a même été montée avec un souci écologique. Le personnel du musée a utilisé un système de cloisons modulaires construit à partir de matériaux recyclés, a réutilisé les vitrines et l’équipement audiovisuel des expositions précédentes et, enfin, s’est adonné à la fabrication et à la métallurgie sur place pour réduire les émissions liées au transport.

Cette exposition est une occasion d’approfondir notre compréhension de la nature et d’inspirer l’action en faveur d’un avenir durable.

Danika Goosney, présidente-directrice générale du Musée canadien de la nature.

C’est d’ailleurs en plein l’objectif du musée. La place extérieure abrite même des espèces indigènes qui s’avèrent une source de nourriture stable pour les fourmis, les coléoptères et les phasmes de la galerie « Bibittes vivantes ».

Si vous cherchez à verdir votre mode de vie et à embrasser la voie de la renaturation, l’idéal pour commencer est peut-être de puiser un peu d’inspiration à l’exposition. Après tout, c’est précisément l’intention des artistes : encourager les gens à œuvrer concrètement à la renaturation, car celui-ci ne s’opérera pas par magie. Il a fondamentalement besoin de soin et de la communauté. « J’espère qu’après avoir vu les expressions artistiques de la renaturation, les gens repartiront de l’exposition en se sentant capables d’agir », confie Roberts. « Que ce soit en plantant des fleurs sauvages indigènes, en participant à un jardin communautaire ou simplement en repensant leur façon d’habiter les espaces du quartier. »

🌿Toutes les œuvres que vous aurez le plaisir de découvrir lors de votre « marche lente » d’un bout à l’autre de l’exposition sont à la fois superbes visuellement et follement inspirantes. Jetez un œil aux créations de Laara Cerman, Janice Wright Cheney, Anna Binta Diallo, Kendra Fanconi, Sarah Peebles, Amber Sandy, Justin Tyler Tate, Xecê Khadija Baker, Hashveenah Manoharan, Amanda McCavour, Angela Marsh, Cole Swanson et Natasha Lavdovsky.

Cet article a été publié initialement en anglais dans la revue Rewilding dans le cadre d’une série de textes sur la renaturation et les arts, liés au premier prix Retour à la nature pour les arts de la Fondation David Suzuki.