Cet après-midi, seize organisations de la société civile œuvrant pour la protection de l’environnement ont envoyé une lettre au premier ministre Justin Trudeau, l’exhortant à bannir l’utilisation de néonicotinoïdes au Canada.

Cette lettre s’inscrit dans la foulée de la décision de l’Union européenne d’interdire tous les néonicotinoïdes d’ici la fin 2018 et fait suite à une autre lettre publiée ce matin dans la revue Science, dans laquelle plus de 200 scientifiques de renommée internationale demandent à tous les gouvernements d’interdire les néonicotinoïdes.

Les néonicotinoïdes demeurent le type de pesticide le plus utilisé au Canada, malgré des recherches de métadonnées récentes (2018) sur les solutions de rechange qui démontrent que des produits de moindre toxicité se sont avérés plus abordables et efficaces.

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Objet : Insecticides néonicotinoïdes

Monsieur le Premier Ministre,

Au nom des principales organisations de la société civile vouées à la durabilité de l’environnement, nous vous écrivons afin de demander instamment à votre gouvernement de mettre un terme à l’utilisation des insecticides néonicotinoïdes au Canada en raison, d’une part, de leurs effets dommageables graves et, d’autre part, en réponse aux récents développements à cet égard sur le plan international.

Nous souhaitons attirer votre attention sur la lettre ouverte ci-jointe signée par plus de 200 scientifiques qui a été publiée dans l’édition du 1er juin 2018 de la revue Science. On y affirme que « la prépondérance de la preuve indique clairement que ces produits chimiques sont dangereux pour les insectes bénéfiques et qu’ils contribuent à la perte massive de la biodiversité planétaire ». Les signataires réclament en outre que des mesures immédiates soient prises à l’échelle nationale et internationale afin de restreindre l’utilisation des néonicotinoïdes et empêcher l’homologation future de produits agrochimiques nocifs similaires.

Nous joignons aujourd’hui notre voix à la leur et faisons appel à votre leadership afin de remédier au laxisme réglementaire dont le Canada a fait preuve jusqu’à maintenant relativement aux néonicotinoïdes. Ces pesticides font partie des insecticides les plus utilisés au pays. Leur présence a été détectée dans des échantillons d’eau de surface provenant de partout au Canada, ce qui constitue une indication préoccupante d’une contamination massive de l’environnement. Des scientifiques ont en outre constaté que les néonicotinoïdes restent présents dans l’environnement beaucoup plus longtemps qu’on ne le croyait au départ. L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada a réévalué récemment certains néonicotinoïdes, et elle a proposé à l’issue du processus l’abandon graduel de l’un d’entre eux, l’imidaclopride, mais seulement à compter de 2021, au plus tôt. Qui plus est, en décembre 2017, l’ARLA a suggéré de maintenir l’homologation de deux autres néonicotinoïdes largement utilisés et d’imposer des restrictions à seulement quelques-unes de leurs utilisations, sans toutefois tenir compte de l’utilisation massive dont ces produits chimiques font l’objet en tant que traitements de semences.

Par contraste, les pays membres de l’Union européenne ont voté en avril 2018 en faveur de l’interdiction — d’ici la fin de cette année — de toutes les utilisations agricoles extérieures des néonicotinoïdes en réponse à une mise à jour des évaluations scientifiques publiée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) confirmant l’existence de risques graves pour les abeilles. Le Canada doit adopter des mesures décisives similaires afin de protéger les pollinisateurs et les autres insectes qui sont essentiels à notre sécurité alimentaire ainsi qu’à la biodiversité et au fonctionnement des écosystèmes.

Il est largement reconnu et scientifiquement démontré que les néonicotinoïdes ne sont pas indispensables à la production agricole. L’ARLA estime que le traitement des semences aux néonicotinoïdes augmente la valeur à la ferme de 3,2 à 3,6 % pour le maïs, et de 1,5 à 2,1 % pour le soja. Or, ce calcul ne tient pas compte des effets néfastes des néonicotinoïdes sur les espèces bénéfiques à l’agriculture. En 2018, une revue à l’échelle mondiale des recherches menées sur les solutions de remplacement aux néonicotinoïdes a permis de recenser des méthodes de lutte antiparasitaire qui sont à la fois abordables et efficaces.

Tout en offrant un soutien adéquat aux agriculteurs afin de les accompagner dans l’abandon des néonicotinoïdes, le gouvernement du Canada est en mesure — et se doit — d’adopter le même échéancier que l’Union européenne pour mettre fin à leur utilisation. Une inaction prolongée en dépit de preuves solides quant aux graves dommages subis par les écosystèmes et les espèces menace de miner nos efforts collectifs pour préserver la biodiversité du Canada.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.

Sidney Ribaux, Directeur général, Équiterre
Rick Bates, Directeur général, Fédération canadienne de la faune
Éric Chaurette, Gestionnaire de programme Inter Pares
Beth Clarke, Directrice générale Wilderness Committee
Jim Coneybeare, Président Ontario Beekeepers Association
Silvia D’Amelio, Directrice générale Trout Unlimited Canada
Tim Gray, Directeur général, Environmental Defence
Joanna Kerr, Directrice générale, Greenpeace Canada
Stephen Cornish, Chef de la direction, Fondation David Suzuki
Theresa McClenaghan, Directrice exécutive, Association canadienne du droit de l’environnement
Beatrice Olivastri, Chef de la direction, Les Ami(e)s de la Terre Canada
Devon Page, Directeur général, Ecojustice
Kim Perrotta, Directrice générale, Association canadienne des médecins pour l’environnement
Graham Saul, Directeur général, Nature Canada
Meg Sears, Présidente, Prevent Cancer Now
Martin Settle, Directeur Général, USC Canada

Pour plus d’information:

Diego Creimer, Fondation David Suzuki, 514-999-6743 dcreimer@davidsuzuki.org
Camille Gagné-Raynauld, Équiterre, 514 605-2000, cgraynauld@equiterre.org
Beatrice Olivastri, Friends of the Earth Canada, 613 724-8690, beatrice@foecanada.org
Charlotte Dawe, Wilderness Committee, 778-903-3992, charlotte@wildernesscommittee.org
Phil Rowley, Trout Unlimited Canada, 780-464-5499, prowley@tucanada.org
Pam Logan, Canadian Wildlife Federation, 613-599-9594, Pamelal@cwf-fcf.org
Charles Hatt, Ecojustice, 647-783-1934, chatt@ecojustice.ca
Dennis Edell, Ontario Beekeepers’ Association, 416-918-4448, deesbeeshoney@gmail.com
Meg Sears, Prevent Cancer Now, 613 297-6042, Meg@PreventCancerNow.ca
Marie Moucarry, Greenpeace, 438-993-6127, marie.moucarry@greenpeace.org