Montréal – À la suite de la publication du rapport de l’Agence Canadienne d’Inspection des Aliments dans lequel on affirme avoir trouvé des résidus de glyphosate dans 47% des légumineuses, 37% des produits céréaliers et 31% des aliments pour enfants testés, Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki et membre du Collectif de Recherche sur les pesticides, les politiques publiques et les alternatives, a déclaré:
«Il est étonnant qu’un rapport décrivant des tests sur 3 188 échantillons d’aliments tienne sur 4 pages de texte. L’ACIA manque de transparence, ce qui mine la confiance des citoyens.»
Dans 4% des produits céréaliers, les concentrations mesurées excédaient les limites maximales de résidus et au total, l’ACIA avance que 98.7% des aliments testés sont conformes.
Un récent article issu du monde agricole (The Western Producer) semblait s’étonner du peu d’informations divulguées par l’ACIA dans son rapport sur le glyphosate et du secret industriel entourant ces évaluations.
Étonnamment, pour l’herbicide le plus utilisé au Canada, aucun suivi des concentrations de glyphosate dans les aliments n’a été publié par l’ACIA avant 2017. Aux États-Unis, le Detox Project publiait en novembre 2016 que le glyphosate est présent même dans des produits de consommation courante comme les céréales Cheerios (1,1 ppm) et les biscuits Oreo (0,3 ppm). L’Agence américaine de protection de l’environnement aurait récemment discrètement abandonné l’évaluation du glyphosate prévue dans les aliments selon un article du Huffington Post.
Autre fait intéressant, on peut voir dans le rapport de l’ACIA que les limites maximales de résidus (LMR) acceptables varient en fonction des aliments testés, oscillant entre la limite générale de 0.1 ppm jusqu’à 10 ppm pour l’orge et 20 ppm pour le soya.
«En fait, les limites maximales de résidus sont déterminées en fonction des bonnes pratiques agricoles et ne reflètent pas d’emblée leur potentiel toxicologique. Ainsi, les LMR reflètent ce qu’on s’attend à voir à la sortie de champ si les instructions sur l’étiquette d’un pesticide ont été respectées», explique Louise Hénault-Ethier. Santé Canada doit juger si les LMR causent un risque inacceptable pour la santé humaine lors du processus d’homologation des pesticides.
Ce rapport de l’ACIA fait état des concentrations de glyphosate et de l’acide aminométhyle phosphonique (AMPA, un produit de dégradation du glyphosate). On n’y décrit pas les teneurs des autres produits qui synergisent la toxicité du glyphosate, présents dans les formulations appliquées au champ. On n’y indique pas non plus les concentrations d’autres pesticides retrouvés simultanément sur ces aliments, puisque contrairement aux autres rapports de l’ACIA sur les pesticides dans les aliments, ce dernier rapport détaille le glyphosate isolément.
«Comme les produits réellement appliqués au champ peuvent avoir une toxicité différente de la substance active seule, et comme il peut y avoir des interactions entre différents pesticides, l’ACIA devrait publier ces résultats d’analyse de glyphosate conjointement aux teneurs mesurées de co-formulants ou d’autres pesticides», conclut Louise Hénault-Ethier.
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Pour plus d’information :
Diego Creimer, communications, dcreimer@davidsuzuki.org 514-999-6743
Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques, lHenault-Ethier@davidsuzuki.org 514-713-6839
Backgrounder :
Santé Canada devait annoncer en mars 2017 sa décision de ré-homologuer le glyphosate, l’ingrédient actif entrant dans la composition du populaire Roundup. Cet herbicide, le plus vendu au Canada et au monde, est classé comme cancérigène probable chez l’humain selon le Centre international de recherche sur le cancer — l’agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la Santé sur la question du cancer -, une donnée que Santé Canada n’a pas reconnue dans son évaluation préliminaire du glyphosate. Récemment, des allégations de fraude et d’influence de l’industrie sur les gouvernements encadrant l’homologation du glyphosate ont été mises au grand jour.
La contamination par le glyphosate est omniprésente dans les eaux de surface et les concentrations sont à la hausse dans les cours d’eau des régions agricoles depuis les dernières années. Le glyphosate est aussi breveté comme antibiotique par Monsanto, signe qu’il pourrait affecter la flore microbienne du système digestif humain et des sols agricoles, et qu’il pourrait contribuer à la résistance croissante aux antibiotiques.
Le rapporteur spécial au droit à l’alimentation de l’ONU a conclu en janvier 2017 que les pesticides posent un risque inacceptable pour les populations, que les gouvernements sont influencés par les industries dans leur décision d’encadrer les pesticides, et que ces pesticides présentés comme essentiels à alimenter une population mondiale grandissante étaient en fait remplaçables par des pratiques de culture alternatives et plus sécuritaires.
Le glyphosate est une substance active aux propriétés herbicides à large spectre. Depuis les années 90, son utilisation est fortement corrélée à l’expansion des cultures génétiquement modifiées pour y résister, comme le maïs et le soya. Bien que l’ARLA soutienne que cet herbicide se décompose rapidement et a un faible potentiel de lessivage vers les milieux aquatiques, plusieurs recherches soutiennent qu’il est au contraire persistant, qu’il contamine presque toutes nos eaux de surface en milieu agricole, et qu’il peut même se retrouver dans les eaux souterraines.
L’évaluation du glyphosate repose principalement sur des tests toxicologiques de la substance active, et non de l’impact réel des produits de formulation qui en contiennent. Ces produits à base de glyphosate ont une toxicité largement accrue au glyphosate utilisé seul, selon des données scientifiques connues depuis longtemps.
Le glyphosate serait présent dans l’urine de 100% des 30 volontaires récemment testés selon une étude française de Générations Futures publiée la semaine dernière. Selon une étude du Children’s Environmental Health Network en cours, une hausse du glyphosate dans l’urine des mères enceintes pourrait réduire la durée des grossesses et entraîner de plus faibles poids à la naissance.
Le glyphosate n’est pas ciblé par la stratégie phytosanitaire québécoise. La Fondation David Suzuki et Équiterre ont participé au processus de consultation lors de la phase de commentaires du projet de décision de la ré-homologation du glyphosate en 2015.