Montréal – Une nouvelle étude scientifique conclut que les émissions de méthane du secteur de la fracturation hydraulique du gaz et pétrole en Colombie-Britannique sont au moins 2,5 fois plus importantes que les estimations du gouvernement.
L’étude menée par la Fondation David Suzuki et l’Université St. Francis Xavier est une première en son genre, et comporte des observations des émissions fugitives de méthane sur place, à grande échelle et sur une longue période de temps. Les conclusions de l’étude viennent souligner l’importance de freiner les émissions de méthane immédiatement. Elles s’inscrivent en faux contre la récente décision du gouvernement fédéral de retarder l’adoption de réglementations plus sévères dans ce secteur.
« Notre recherche, rigoureusement vérifiée par d’autres scientifiques, démontre que les opérations de fracturation hydraulique pour produire du gaz naturel au Canada émettent beaucoup plus de méthane que ce qui était jusqu’à maintenant estimé par les provinces, explique Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki. La science est claire : le méthane est un gaz 84 fois plus puissant que le CO2, et son élimination est l’une des manières les moins coûteuses de lutter contre les changements climatiques. »
Sur une période de 20 ans, le méthane est un gaz à effet de serre 84 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Les scientifiques s’entendent pour dire que le méthane est responsable de 25 % des changements observés dans le climat de la Terre, ce qui fait de ce gaz une priorité absolue en termes de lutte aux changements climatiques.
L’étude de la Fondation montre qu’à elle seule, la région de Montney en Colombie-Britannique laisse s’échapper dans l’atmosphère plus de 100 000 tonnes de méthane par année. C’est 2,5 fois le chiffre déclaré par le gouvernement, et cela équivaut à brûler 4,5 millions de tonnes de charbon, ou encore à ajouter deux millions d’autos sur les routes. Ces chiffres indiquent clairement que le gaz de schiste, plutôt que d’être un combustible de transition, peut en fait rendre encore plus difficile l’atteinte des objectifs climatiques du Canada et des provinces.
Un autre rapport de l’organisation Environmental Defence publié aujourd’hui présente des résultats tout aussi inquiétants quant à l’industrie du gaz naturel de l’Alberta.
Au Québec, la récente adoption du projet de loi 102 signe de facto l’arrêt de mort du fragile moratoire non officiel sur l’exploitation de gaz de schiste.
« Voilà une preuve de plus que le Québec doit fermer définitivement la porte à l’industrie du gaz de schiste. Le développement de cette industrie au Québec mettrait en péril l’atteinte de nos objectifs de lutte aux changements climatiques, affirme M. Mayrand. Le Québec table sur un usage accru du gaz naturel pour atteindre ses objectifs climatiques. Les données scientifiques publiées aujourd’hui démontrent que les émissions fugitives au site de production du gaz naturel peuvent annuler les réductions d’émissions réalisées ici au Québec, avec un bilan nul ou négatif pour le climat. Le Québec doit privilégier des sources de gaz naturel à faible émission, à commencer par le biogaz », conclut Karel Mayrand.
À la lumière de ces dernières données, la Fondation exhorte le gouvernement fédéral à prendre les mesures nécessaires dès aujourd’hui pour éliminer complètement les émissions de méthane de l’industrie du gaz et pétrole d’ici 2030, et Québec d’annuler définitivement tout projet d’exploration et d’exploitation de la ressource sur son territoire.
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Pour plus d’information:
Diego Creimer, spécialiste, communications et affaires publiques 514 999-6743
dcreimer@davidsuzuki.org
La recherche
En 2015 et 2016, des chercheurs de l’université St. Francis Xavier et de la Fondation David Suzuki ont effectué la mesure au sol la plus exhaustive des émissions de méthane jamais réalisée au Canada. Les scientifiques ont parcouru plus de 8 000 km dans des véhicules équipés d’instruments de détection de gaz (camions renifleurs), et examiné plus de 1 600 plateformes d’exploitation et installations. Les résultats ont été publiés dans le journal scientifique Atmospheric Chemistry and Physics Discussions et font actuellement l’objet d’un dernier examen. Ces documents de recherche représentent la première étude sur le terrain d’émissions fugitives dans le secteur de l’énergie au Canada.
Les chercheurs de la Fondation David Suzuki sont retournés sur le terrain en 2016 pour recueillir des mesures de la pollution par le méthane directement des sites de puits et des installations. Les résultats obtenus corroborent les données des relevés réalisés avec l’équipement roulant, conjointement par l’université St. Francis Xavier et la Fondation David Suzuki en 2015, et ont permis de détecter des puits abandonnés fuyants, dont l’obturation et la remise en état étaient déficientes.