Le rayonnement des antennes et des téléphones portables est-il dommageable pour la santé humaine? Voilà une question complexe qui en tourmente plusieurs. Inutile de le cacher, sur Terre, nous sommes baignés de micro-ondes et d’ondes radio provenant d’une multitude de sources, humaines et naturelles. Il y a nos technologies de l’information : téléphones cellulaires, télévision, radio, Internet, mais aussi nos sources d’éclairage : lampes incandescentes (60 Hz), néons, lampes fluocompactes et j’en passe. Des dizaines d’études sont publiées sur ce sujet. Certaines démontrent l’existence de certains effets à long terme de ce rayonnement comme des cancers, des pertes de mémoire ou des trouble d’inattention chez les enfants. Cependant, LA VASTE MAJORITÉ des études en arrivent à la conclusion inverse : il n’existe aucune preuve statistiquement significative de l’effet des champs électromagnétiques de faibles intensités et fréquences (nous définirons ces termes plus tard). Quoi qu’il en soit, il est extrêmement difficile de se prononcer sur ce sujet parce que les effets, s’il y en a, sont ténus et nous n’avons espoir de les mesurer que sur de très longues périodes de temps. Bref, par sa forme, le débat rappelle celui qui sévit dans un autre domaine scientifique bien connu, celui des changements climatiques.
Parmi toute la littérature qui se publie sur le sujet, un article récent a attiré mon attention. Cette fois, ce n’est pas à la santé humaine qui est mise en cause, mais bien la santé des arbres. Dans cette étude rapportée dans les journaux en novembre 2010 et reprise par Greenpeace 1, des chercheurs hollandais observent que les feuilles, placées à 50 cm d’une source de 100 mW (milliwatts) devenaient lustrées et mouraient après quelques semaines d’exposition 2. Qui plus est, les articles rapportent que 70 des arbres dans les zones urbaines hollandaises portaient de tels symptômes. Toujours selon ces mêmes articles, la proportion était de 10 il y a 5 ans. L’article de Greenpeace s’empresse ensuite d’ajouter :
« C’est là des proportions surprenantes qui laissent croire que la multiplication des antennes Wi-Fi ne serait pas aussi bénigne que l’industrie des télécommunications aimerait prétendre. »
J’aimerais donc profiter de la publication de cet article afin de rectifier certains faits concernant le rayonnement électromagnétique, en particulier celui émis par les téléphones cellulaires. En effet, en tant que scientifiques, nous sommes souvent appelés à nous exprimer sur les dangers de ce type de rayonnement fort mal compris. J’ai donc fait une petite recherche dans le but de fournir quelques pistes de réponses. Beaucoup d’information est disponible sur le site de l’Organisation mondiale de la santé, que je me permets de citer abondamment.
Des lectures supplémentaires sont également indiquées à la fin du texte. Je me permets aussi d’accompagner ces définitions de quelques notes personnelles tirées de mon expérience en tant qu’ingénieur physicien.
Bonne lecture!
1 Le Wi-Fi tuerait les arbres…
2 Is Wi-Fi killing trees? Dutch study shows leaves dying after exposure
Lectures supplémentaires sur les champs électromagnétiques
1. Que sont les champs électromagnétiques?
« Définitions et sources
Les champs électriques sont produits par des variations dans le voltage: plus le voltage est élevé, plus le champ qui en résulte est intense. Ils surviennent même si le courant ne passe pas. Au contraire, les champs magnétiques apparaissent lorsque le courant circule: ils sont d’autant plus intenses que le courant est élevé. Ainsi, lorsqu’on a un courant électrique, l’intensité du champ magnétique variera selon la consommation d’électricité, alors que l’intensité du champ électrique restera constante. (Extrait de Les champs électromagnétiques, publié par le Bureau Régional de l’Europe de l’OMS en 1999 (Série Collectivités locales, environnement et santé; 32). »
Notes de l’auteur : Les champs électromagnétiques (CEM) sont toujours définis de la sorte. L’onde électromagnétique (OEM) est à l’origine de ces champs, mais les deux définitions (CEM et OEM) peuvent être considérées comme identiques pour la suite. Ces CEM (ou OEM) peuvent avoir diverses propriétés en fonction de la fréquence des variations de voltage qui les produisent. Plus un champ électromagnétique a une fréquence élevée, plus il transporte d’énergie. Les champs électromagnétiques les plus forts que nous connaissons sont appelés « rayons gamma » et proviennent de la désexcitation de noyaux atomiques. Ensuite, par ordre décroissant d’énergie, nous retrouvons les rayons X, les ultraviolets, les ondes lumineuses, les ondes infrarouges, les micro-ondes et finalement, les ondes radio. Chacun de ces types d’OEM possède aussi une capacité à être absorbée par le corps humain. Par exemple, les ondes lumineuses sont facilement absorbées à la surface de la peau (puisque nous nous voyons par leur réflexion) tandis que les rayons X sont absorbés uniquement par les milieux denses comme les os alors qu’ils passent à travers la peau. Les ondes de haute énergie, comme les rayons gamma, les rayons X et les rayons UV ont aussi le pouvoir de briser des molécules, dont l’ADN, avec leur rayonnement. De fait, pour les ondes de basses fréquences comme les ondes radios, la plupart des matériaux dont ceux qui constituent le corps humain sont totalement transparents. Autrement dit, les radiofréquences (RF) n’interagissent que très peu avec le corps humain et ont beaucoup de difficultés à leur transférer leur énergie. À moins d’être exposé à des intensités extrêmement élevées de rayonnement, où la personne se mettrait carrément à chauffer, les physiciens ne connaissent aucun mécanisme physique par lequel une onde électromagnétique comme celle émise par nos cellulaires pourrait être néfaste pour le corps humain. Or dans le cas de l’étude néerlandaise, l’intensité du rayonnement auquel les plantes sont exposées est de 100 mW. En guise de comparaison, une ampoule typique de 60 W génère 600 fois plus de puissance que les sources utilisées pour exposer les plantes.
Quel est l’effet des champs électromagnétiques, en particulier des ondes de téléphones cellulaires, sur la santé humaine ?
« Inquiétudes sur la santé
De récentes études ont révélé que les expositions aux RF émanant des stations de base et des technologies sans fil dans les zones publiques (dont les écoles et les hôpitaux) sont normalement des milliers de fois plus basses que les normes internationales. En fait, en raison des faibles fréquences et des niveaux d’exposition similaires aux RF, l’organisme absorbe cinq fois plus de signaux FM et de télévision que des stations de base. [… ]Par ailleurs, les stations de diffusion de la radio et de la télévision fonctionnent depuis au moins 50 ans sans qu’on ait constaté d’effets indésirables sur la santé. »
Notes de l’auteur : Certaines études ont rapporté que les champs électromagnétiques à basse fréquence (micro-ondes et ondes radio) avaient un effet sur la santé. Tout comme dans le contexte des changements climatiques, il est important de préciser que ces études vont à l’encontre du consensus scientifique sur la question à savoir qu’il n’existe aucune preuve que les champs électromagnétiques de basses fréquences ont un quelconque effet sur la santé humaine. D’autres scientifiques ont rapporté que certaines personnes étaient irritées par la présence de ce rayonnement. Cette condition, appelée « hypersensibilité aux champs électromagnétiques » n’a jamais pu être démontrée dans des études randomisées à double insu.
L’Organisation mondiale de la santé recommande d’ailleurs aux médecins… d’effectuer un suivi psychologique des personnes atteintes.
Les ondes électromagnétiques sont-elles à l’origine de certains cancers ?
« On obtient des données scientifiques sur la répartition du cancer dans la population avec des études épidémiologiques soigneusement planifiées et exécutées. Au cours des 15 dernières années, on a publié des études examinant le lien potentiel entre les transmetteurs RF et le cancer. Elles n’ont pas apporté de preuves étayant une augmentation du risque de cancer du fait de l’exposition aux RF des transmetteurs. De même, les études à long terme sur l’animal n’ont pas mis en évidence de risque accru de cancer par l’exposition à des champs RF, même à des niveaux bien plus élevés que ceux produits par les stations de base et les réseaux sans fil. »
Les OEM peuvent-elles causer des lésions sur les feuilles des arbres?
Dans l’article de Greenpeace cité plus haut, l’auteur termine avec un commentaire éditorial :
« Alors que cette étude n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique, déjà les instances de santé publique et les lobbys des communications se précipitent pour discréditer les conclusions de l’étude. Voilà une réaction prévisible d’une industrie qui dépend de cette technologie sur plusieurs plans.
La sortie de ce rapport alimente d’autant plus le débat entourant les impacts des ondes sur les organismes vivants, que ce soit les plantes, les abeilles ou les humains. Qui croire? Les lobbys industriels ou les études indépendantes? Je vous laisse choisir! »
À cela, je me permets d’ajouter que les scientifiques eux-mêmes ont choisi, pour l’instant, de ne pas publier ces données en insistant sur le fait qu’il restait beaucoup de travail à faire. Lorsque les données seront publiées, la communauté regardera leur méthodologie et leurs résultats de près et tirera des conclusions. Alors qui croirons-nous? Les lobbys de Greenpeace ou les études indépendantes? Je vous laisse choisir!
Pour en savoir plus
Résultats de l’étude longitudinale Interphone sur les effets des cellulaires sur la santé.
Conférence de Lorne Trottier, philanthrope, cofondateur de la société Matrox, et fondateur du site web d’information emfandhealth :