Il n’y a pas si longtemps, sortir dîner au restaurant, aller prendre un verre, travailler au bureau, prendre l’avion ou l’autobus urbain et interurbain ou même aller au cinéma nous exposait tous à la fumée secondaire. Fumer la cigarette faisait partie de notre vie quotidienne et on retrouvait les fumeurs un peu partout, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Grâce à une campagne de sensibilisation et d’éducation au grand public combinée à une réglementation gouvernementale, y compris l’imposition d’une taxe, on a pu observer de grands changements sociaux sur une période relativement courte. En 1965, la moitié des Canadiennes et Canadiens fumait. Mais en 2011, cette proportion tombait à environ 17,3 pour cent, ou 4,9 millions de personnes, dont 13,8 pour cent étaient des fumeurs quotidiens. Malheureusement, la tendance à la baisse s’est stabilisée ces dernières années, et le tabagisme demeure toujours la principale cause évitable de décès au Canada, selon les chercheurs de l’Université de Waterloo. « Plus de 37 000 Canadiennes et Canadiens mourront prématurément cette année en raison de l’usage du tabac. Chaque jour, 100 Canadiennes et Canadiens meurent d’une maladie liée à l’usage du tabac », révèle le rapport de 2013 intitulé » Tobacco Use in Canada: Patterns and Trends « .
Avec le renforcement de la réglementation, le prix élevé des cigarettes soutenu par des taxes et la stigmatisation actuelle liée au tabagisme, il est déconcertant de voir que les gens prennent au départ cette habitude injustifiée. La prévalence du tabagisme demeure la plus élevée chez les jeunes adultes, particulièrement les 25 à 34 ans. Bien que l’éducation soit un facteur, les taux de tabagisme chez les diplômés universitaires représentent moins de la moitié de ceux constatés chez les personnes ayant moins d’éducation.
Je me demande parfois si c’est le manque d’éducation qui fait en sorte que plusieurs fumeurs jettent leurs mégots n’importe où ( litter their butts ) sans réfléchir. Il est étonnant de voir que plusieurs personnes, qui ne jetteraient autrement pas de déchets au sol, ne voient pas de mal à lancer leurs mégots d’une chiquenaude sans se soucier de l’endroit où ils aboutissent. Ce geste peut sembler banal, mais il ne l’est pas.
Selon la fondation Surfrider dans le cadre de la campagne Hold on to Your Butt campaign, (« Gardez vos mégots »), les mégots de cigarettes constituent la première source de déchets dans le monde représentant 4,95 billions de mégots par terre ou dans l’eau chaque année. Les États-Unis investissent environ 11 milliards de dollars dans la collecte de déchets dont une proportion de 32 pour cent est constituée de mégots. Ceux-ci passent des rues aux égouts pluviaux et rivières pour aboutir éventuellement dans les océans et représentent les déchets les plus fréquemment trouvés lors de nettoyages des plages partout dans le monde.
Et les répercussions environnementales, elles ne sont pas sans importance non plus. La fondation Surfrider mentionne que les mégots de cigarettes sont faits d’acétate de cellulose, un plastique non biodégradable qui peut prendre jusqu’à 25 ans pour se décomposer. « Ces mégots toxiques peuvent être ingérés par les enfants et les animaux, particulièrement les oiseaux et les animaux marins — sans mentionner que les mégots de cigarettes jetés par terre représentent également un risque d’incendie important. »
De toute évidence, la meilleure façon de réduire la pollution de mégots de cigarettes consiste à redoubler d’efforts visant à empêcher les gens de commencer à fumer et aider les fumeurs à arrêter de fumer. Mais, empêcherons-nous tout le monde de fumer du jour au lendemain? C’est pourquoi nous devons trouver des moyens pour résoudre le problème relatif aux mégots de cigarettes jetés. Encore une fois, l’éducation publique combinée à la réglementation contribuera grandement à la réduction de cette pollution.
À San Diego, la fondation Surfrider a installé à l’extérieur, des canettes destinées aux cendres et distribuées aux fumeurs des cendriers de poche. Dans plusieurs endroits, y compris Vancouver, l’usage du tabac sur les plages et dans les parcs est interdit. Intensifier l’application des lois en matière des déchets aiderait également à atteindre cet objectif. Certains recommandent même de bannir les cigarettes avec filtre ou d’exiger des filtres biodégradables, se débattant sur le fait qu’ils ne sont qu’une astuce marketing et non une caractéristique de protection. À Vancouver et dans d’autres villes, on insiste sur un système de consignation semblable à celui des bouteilles et des canettes.
À part la réduction des déchets et les dommages environnementaux, les mesures prises ayant aussi pour but d’augmenter le prix des cigarettes se sont avérées efficaces à faire réduire les taux de tabagisme.
Certaines personnes considèrent le tabac comme étant une herbe sacrée. Il est utilisé par plusieurs peuples indigènes aux fins rituelles. De par son usage répandu et stimulé par le marketing, le tabac est devenu une source de dépendance dispendieuse et malsaine en plus d’être un fléau toxique sur l’environnement. Les tendances du tabagisme dans les pays comme le Canada révèlent qu’un changement social est possible et, à l’aide de l’éducation et de la réglementation, les gens agiront dans leur meilleur intérêt et celui du monde qui les entoure.
Rédigé en collaboration avec Ian Hanington, éditeur en chef de la Fondation David Suzuki.