Depuis que le monde est monde, les résidus organiques ont toujours été naturellement recyclés. Ils n’ont donc pour ainsi dire jamais été de réels déchets, parce que les matières résiduelles de l’un devenaient la ressource d’un autre, et ainsi de suite. C’est d’ailleurs le principe fondamental de l’économie circulaire.
Justement, il était temps que nos sociétés reviennent à l’ordre naturel des choses dans leur gestion des matières organiques résiduelles. Ces dernières, composées principalement de résidus de table et de jardin, sont particulièrement problématiques lorsqu’elles sont mal gérées.
En effet, dans un site d’enfouissement, les aliments humides entraînent des écoulements d’eau chargée en nutriments pouvant ensuite se charger de métaux ou contaminants chimiques lorsqu’ils entrent en contact avec d’autres rebuts, nécessiter un traitement coûteux avant d’être déversée dans l’environnement, ou au pire, contaminer la nappe phréatique si le site d’enfouissement n’est pas parfaitement étanche.
Par ailleurs, lorsque la matière organique se décompose, il y a dégagement de divers gaz. Si vous avez déjà enfermé des rognures de gazon fraîches dans un sac de plastique quelque temps et avez par ensuite rompu ce scellé en mettant votre sac au chemin, vous savez très bien que dans les mauvaises conditions, les matières organiques émettent des odeurs de putréfaction poignantes.
De surcroît, lorsque ces matières organiques se rendent au site d’enfouissement, leur décomposition sous des piles de déchets se fait en l’absence d’oxygène, ce qui génère des gaz à effet de serre comme le méthane et l’oxyde nitreux. Pourtant, au lieu de générer des GES qui sont respectivement 25 à 298 fois pires que le CO2 en termes de potentiel de changements climatiques, une saine gestion des matières organiques en présence d’oxygène aurait pu générer principalement du CO2. Ce dioxyde de carbone, appelé biogénique, fait partie du cycle naturel des choses. Les plantes fixent le carbone atmosphérique dans leurs tissus grâce à la photosynthèse, et ce dernier est relâché lorsque les microorganismes décomposeurs font leur travail.
Dans un écosystème naturel, ce processus de décomposition s’active spontanément quand un organisme végétal ou animal meurt. Les levures, bactéries et champignons déjà présents sur leur corps, ou encore présents dans l’environnement, vont briser les tissus et permettre le recyclage des nutriments qui les composent. En milieu contrôlé, ce processus optimisé s’appelle compostage. Le produit fini sert d’amendement organique. Pour que le compost soit valorisé en agriculture, prenez soin de bien trier vos résidus organiques à la maison si vous participez à un programme de collecte municipale.
C’est pour rejoindre les personnes plus réfractaires au compostage que la ville a lancé une campagne publique. Les ambassadeurs, les verts engagés et les verts disposés (pour reprendre la nomenclature d’une récente étude de Recyc-Québec) ont déjà adopté le bac brun qui a maintenant atteint 60% d’implantation (immeubles de huit logements et moins) dans les 19 arrondissements de Montréal. Le visuel alléchant de la campagne « bien manger, bien jeter », vise donc à rendre plus acceptable le fait de manipuler des (délicieux!) restants de table.
Outre le compostage, les résidus organiques peuvent aussi prendre le chemin de la biométhanisation. Dans ce cas, les résidus sont décomposés en absence d’oxygène. Contrairement aux sites d’enfouissement où le méthane est généré et capturé dans des conditions peu optimales, le gaz issu de la biométhanisation peut presque entièrement être récupéré. Ce biogaz étant composé en grande partie de méthane peut alors être directement brûlé pour alimenter des processus industriels, ou encore être raffiné puis injecté dans le réseau de distribution du gaz naturel.
Dès 2020, l’enfouissement des matières organiques sera banni au Québec. Ceci permettra d’éviter une bonne partie des émissions de GES liées à notre traitement des déchets. La gestion actuelle des déchets est responsable de 7,2% des émissions québécoises, ou 5,9 Mt d’équivalents CO2, ce qui correspond aux émissions d’environ 1,5 million de voitures parcourant 20 000 km annuellement.
Pour minimiser davantage les émissions de GES liées au traitement des déchets, il importe de traiter ceux-ci localement, ce pourquoi Montréal planifie la construction de quatre installations de compostage, biométhanisation ou pré-traitement.
Mais bien avant que les spécialistes traitent les résidus organiques dans les centres de compostage ou de biométhanisation, le premier maillon de cette chaîne c’est le citoyen qui a l’opportunité de faire une contribution positive en séparant un maximum de déchets comestibles.
Citoyens, à nos bacs bruns!