Severn Cullis-Suzuki livre son discours emblématique de 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, au Brésil. (Photo : Tara Cullis, 1992)

Au moment où la COP30 se tient à Belém, au Brésil, Severn Cullis-Suzuki réfléchit aux mots très forts qu’elle a prononcés lors de son discours marquant du Sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro, au Brésil.

« Nous avons nous-mêmes amassé les fonds pour venir ici, un voyage de 5 000 miles, pour vous dire, à vous, les adultes, que vous devez changer vos façons de faire. »

Je pense que ce discours est très puissant surtout parce qu’une enfant parlait à des adultes. Une enfant n’a pas d’arrière-pensées; c’est simplement une jeune personne qui dit ce qu’elle pense. C’est l’un des aspects les plus significatifs des jeunes activistes aujourd’hui et depuis toujours – leur voix est tellement essentielle. Les jeunes ont toujours été en première ligne. Ils ont toujours dit les vraies choses aux personnes au pouvoir. Une autre raison pour laquelle cette citation a un impact sur les gens est que les parents aiment leurs enfants, et ils pensent à leurs propres enfants quand ils entendent ces mots venant d’une enfant de 12 ans.

Je suis tellement désolée que la situation, étant si désastreuse aujourd’hui, force autant de jeunes à devenir activistes, et que le titre de « jeune activiste climatique » soit globalement reconnu. Les parents sont censés prendre soin de leurs enfants. Les parents devraient protéger leurs enfants. Mais les infrastructures sociétales et économiques que nous avons créées, les cadres que nous avons créés, ne permettent pas de faire ce que les parents veulent le plus au monde, c’est-à-dire protéger leurs enfants.

« Dans ma vie, j’ai rêvé de voir les grands troupeaux d’animaux sauvages, les jungles et les forêts tropicales remplies d’oiseaux et de papillons, mais maintenant je me demande s’ils existeront pour que mes enfants puissent les voir. »

C’est épouvantable d’entendre cette citation. Nous sommes au cœur de la sixième extinction de masse depuis l’apparition de la vie. Tant de créatures dont j’entendais parler en grandissant, comme le rhinocéros blanc et plusieurs espèces de baleines… mes enfants ne pourront jamais les voir.

Quand j’étais enfant, je suis allée à la forêt de nuages de Monteverde au Costa Rica avec ma famille. À cette époque, le fameux « crapaud doré » n’avait pas été vu depuis quelques années, mais les gens avaient encore de l’espoir. Nous savons maintenant qu’il est disparu. Cette possibilité a été anéantie. C’est dévastateur de constater tout ce que nous avons perdu.

Nous sommes au cœur de la sixième extinction de masse depuis l’apparition de la vie. Tant de créatures dont j’entendais parler en grandissant, comme le rhinocéros blanc et plusieurs espèces de baleines… mes enfants ne pourront jamais les voir.

« Si vous ne savez pas comment le réparer, arrêtez de le casser. »

Oh, j’adore cette citation. Elle provient en fait de Vanessa Suttie, une des jeunes de notre Environmental Children’s Organization. Nous travaillions sur de courts discours, et pendant les deux semaines de la Conférence, nous les prononcions chaque jour à différents endroits. Donc lorsque j’ai eu la chance de prendre la parole au Sommet de la Terre à Rio, nous avons tous collaboré et rassemblé nos meilleures citations dans un seul discours. Cette citation vient donc d’elle.

Pourquoi brisons-nous certaines des créations les plus incroyables, belles, complexes et sophistiquées de l’évolution qui existent dans ces écosystèmes incroyablement productifs? Je pense beaucoup à cela en lien avec l’exploitation minière. Nous créons ces énormes fosses dans la terre et nous exploitons ces différents matériaux, puis nous engendrons une pollution terrible dont nous ne pourrons jamais nous débarrasser. De même, nous ne savons pas comment gérer les déchets nucléaires. Nous ne savons pas comment séquestrer le carbone. Nous ne savons pas comment faire tout ça et penser que la technologie future va permettre de nous en sortir… C’est tout simplement une pensée illogique et ridicule, mais surtout, cela condamne nos enfants à gérer ces problèmes que nous ne savons pas comment résoudre.

« Je ne suis qu’une enfant, mais je sais que si l’argent qui finance les guerres servait à trouver des solutions pour l’environnement, mettre fin à la pauvreté et trouver des ententes, la Terre serait un monde merveilleux! »

Je suis particulièrement sensible à cette citation à cause de ce que le Canada fait actuellement. À cause de ce que le monde fait actuellement. António Guterres, de l’ONU, a récemment parlé de la somme d’argent qui est injectée dans les armées, les armes et la guerre. Cette somme est astronomique comparativement à ce qui est dépensé pour l’aide et le soutien. Ce n’est pas étonnant que nous soyons dans un tel pétrin! Et pourtant, nous avons besoin que les jeunes nous le disent, car les adultes affirment que plus nous avons d’armes, plus nous sommes en sécurité.

« Les parents devraient pouvoir dire à leurs enfants que tout ira bien, ce n’est pas la fin du monde et nous faisons de notre mieux. Mais je ne pense pas que vous pouvez encore nous dire cela. »

La citation parlant de notre capacité à réconforter nos enfants est encore plus pertinente à notre époque. La technologie d’aujourd’hui met quotidiennement de la violence en direct devant nos yeux à tous, incluant ceux de nos enfants. Une crise de santé mentale se produit en ce moment chez les jeunes du monde occidental. Rien de tout cela n’est indépendant. Rien de tout cela n’est surprenant. Et ça me préoccupe tellement, en tant que parent, que mes enfants se sentent désespérés.

Nous avons une responsabilité, en tant que parents, tantes, grands-parents, ami·es — nous avons une responsabilité. Nous avons la responsabilité de survivre et d’aider la prochaine génération à survivre. Nous poursuivons l’œuvre de nos ancêtres qui ont survécu à des épreuves impossibles. Nous devons nous en rendre compte et puiser dans cet instinct de survie pour trouver des façons de travailler ensemble afin de créer un futur stable et sécuritaire.