
J’ai toujours été fier des maisons que mon temps et mon énergie ont contribué à construire, même si aucune preuve de mon travail n’était apparente. (Photo : Fondation David Suzuki via Flickr)
J’ai travaillé comme charpentier pendant huit ans durant ma jeunesse. J’aidais à construire des maisons à London, en Ontario, en tant que monteur de charpentes pour l’entreprise de mes oncles, la Suzuki Brothers Construction. Un monteur de charpentes est responsable de la construction de l’ossature et des fondations d’une maison. J’aidais ainsi à assembler les coffrages pour les semelles et les fondations, je mélangeais et coulais le béton, puis je démontais les coffrages une fois le travail terminé. Nous posions d’abord les solives de plancher et le sous-plancher, puis nous élevions les murs en laissant des espaces pour les portes et les fenêtres. Suivaient ensuite les solives de plafond, les chevrons de la charpente et le revêtement.
Le câblage électrique et la plomberie étaient installés après que j’eus terminé. Puis, les plâtriers et les couvreurs recouvraient le tout. Une fois les fenêtres et les portes en place, les menuisiers de finition ajoutaient les petits détails.
Les peintres y apportaient ensuite les touches finales, ne laissant plus de traces du travail accompli par tant de personnes (dont moi). Bien sûr, à tout moment, des modifications pouvaient être faites (les constructeurs détestent démolir leur propre travail pour les réaliser). Plus tard, des bardeaux, du revêtement extérieur et même de nouveaux murs ou portes pouvaient être ajoutés, et la peinture refaite, à l’intérieur comme à l’extérieur. Mais c’était tout de même ce travail invisible qui avait permis de bâtir et de supporter la maison – quelque chose qu’on ne pouvait changer sans un bouleversement majeur.
J’aime partager cette histoire, car elle illustre bien notre relation avec la Terre.
J’ai toujours été fier des maisons que mon temps et mon énergie ont contribué à construire, même si aucune preuve de mon travail n’était apparente. Je me sentais comme le concierge qui nettoie les planchers chez Interface, la plus grande entreprise au monde de dalles de tapis, fondée par Ray Anderson, ancien membre du conseil d’administration de la Fondation David Suzuki décédé en 2011.
Ray s’était engagé à rendre son entreprise véritablement durable. Lorsqu’une équipe de télévision couvrant l’histoire de Ray et d’Interface a demandé au concierge en quoi consistait son emploi, il a répondu : « Je contribue à l’ascension du Mont Durabilité. » Cette réponse n’était pas une plaisanterie. Il comprenait la mission de l’entreprise et en était fier, tout comme je l’étais des maisons que j’avais aidé à construire.
J’aime partager cette histoire, car elle illustre bien notre relation avec la Terre. Selon la NASA, si nous réduisions notre planète à la taille d’une balle de basketball, la biosphère, c’est-à-dire la zone composée d’air, d’eau et de terre où existent toutes les formes de vie, serait aussi mince qu’une pellicule de plastique. Dans ce fin manteau terrestre, l’air, l’eau, le sol et le soleil, qui sont captés par les plantes, constituent les bases mêmes de la vie. Toutes les formes de vie prospèrent grâce à ces éléments, mais elles contribuent également à les purifier, à les recycler et à les générer.
Les cérémonies pratiquées par les peuples autochtones et traditionnels sont le moyen par lequel nous explorons en profondeur les fondements de notre existence et de notre bien-être.
Ces systèmes de soutien vital, que l’on appelle « nature », sont devenus invisibles pour la plupart des êtres humains, tout comme la charpente d’une maison ou l’entretien ménager d’une entreprise.
Les cérémonies pratiquées par les peuples autochtones et traditionnels sont le moyen par lequel nous explorons en profondeur les fondements de notre existence et de notre bien-être. Lors de ces rituels, nous nous engageons continuellement à « agir correctement » pour garantir l’abondance et la générosité constantes de la nature. Il est crucial de réapprendre ces pratiques.
L’être humain est la seule espèce consciente de la base de son existence. Or, très tôt dans son évolution, il a développé des systèmes pour modeler, orienter et limiter son activité, tout en ignorant l’environnement qui assure sa survie et son bien-être, c’est-à-dire l’air, l’eau, le sol, la photosynthèse et la biodiversité.
Nous tenons pour acquises les pierres angulaires de notre existence, ce qui, selon moi, constitue le problème.
Nous tenons pour acquises les pierres angulaires de notre existence, ce qui, selon moi, constitue le problème. Le nombre d’êtres humains et la croissance industrielle sont devenus si importants que nous minons les assises mêmes de notre existence. Nous devons redécouvrir ces aspects élémentaires qui sont régulièrement mis en évidence lors des rituels autochtones. Lorsque les peuples autochtones rendent grâce à leur Créateur, ils s’engagent à agir de manière bénéfique pour que la nature continue d’être généreuse.
Dans ma famille, lorsqu’on s’assoit pour un repas, tout le monde lève les mains et dit « Itadakimasu », une expression japonaise qui signifie « je reçois avec gratitude ». Cette formule simple témoigne de notre reconnaissance et de notre respect pour les efforts déployés afin de garnir la table, des fermier.ère.s et cuisinier.ère.s aux ingrédients provenant de la nature. Nous devrions ressentir la même reconnaissance chaque fois que nous allumons une lampe, que nous tirons la chasse d’eau ou que nous jetons un déchet dans la poubelle.