CBC Radio diffuse des programmes (en anglais) que j’ai animés depuis la fin des années 1980. La perspicacité des expert.e.s avec lesquels je me suis entretenu dès 1989 pour It’s a Matter of Survival est surprenante. Mais cela m’attriste. Si nous avions pris leurs avertissements au sérieux, nous aurions pu éviter les terribles conséquences qu’ils et elles avaient prévues avec précision.
Face aux gigantesques feux de forêt qui ravagent le monde entier, aux inondations qui submergent les communautés et emportent la couche arable, aux intenses ouragans qui dévastent les côtes, à la fonte des glaces aux deux pôles et des glaciers partout dans le monde, et aux migrant.e.s climatiques désespéré.e.s qui fuient des conditions hostiles, les scientifiques continuent d’émettre des avertissements de plus en plus urgents à la communauté mondiale.
Face aux conséquences en cascade du réchauffement de la planète, le Guardian a récemment demandé à 40 scientifiques à travers le monde de faire le point sur la situation (article en anglais). Ils et elles n’ont pas hésité, d’autant plus que la réponse mondiale à la crise est loin d’être à la hauteur du défi. « Nous devons arrêter de brûler des combustibles fossiles. Maintenant. Pas au moment où nous aurons permis aux entreprises de gagner tout l’argent possible », a déclaré Friederike Otto, climatologue à l’Imperial College de Londres.
Les extrêmes que nous observons actuellement pourraient provoquer des points de basculement tels que l’effondrement de la circulation méridienne de retournement atlantique et la fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique, ce qui aurait des effets dévastateurs.
L’enquête a révélé un consensus sur le fait que nous entrons en territoire inconnu. Les modèles climatiques sont incroyablement précis pour prédire l’augmentation des températures mondiales à mesure que les émissions de gaz à effet de serre augmentent, mais ils ne sont pas aussi efficaces pour cartographier les événements météorologiques de plus en plus irréguliers et extrêmes – les avertissements de la nature elle-même – dont beaucoup s’avèrent être plus sévères que prévu. Il est presque certain qu’ils vont empirer.
« Savoir que nous considérerons les événements extrêmes d’aujourd’hui comme mineurs par rapport à ce qui nous attend dans le futur est vraiment stupéfiant », a déclaré Andrea Dutton de l’Université du Wisconsin-Madison au Guardian. « La vitesse à laquelle nous effectuons cette transition définit l’avenir que nous aurons. »
Rein Haarsma, de l’Institut météorologique royal des Pays-Bas, a déclaré : « Les extrêmes que nous observons actuellement pourraient provoquer des points de basculement tels que l’effondrement de la circulation méridienne de retournement atlantique et la fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique, ce qui aurait des effets dévastateurs. »
Des scientifiques ont récemment publié un avertissement sur ces conditions périlleuses en Antarctique. Leur lettre au récent Symposium de biologie du Comité scientifique pour la recherche en Antarctique, qui a eu lieu en Nouvelle-Zélande, indique que « l’Antarctique est un élément crucial du système de la Terre et une sentinelle des changements croissants. En tant que scientifiques de l’Antarctique, nous constatons les preuves d’un changement croissant, y compris des modifications dans les chaînes alimentaires, une variation rapide des populations, des échecs de reproduction et l’effondrement des écosystèmes locaux, avec des prévisions de transformation rapide d’une région qui rend notre planète habitable et contribue de manière extraordinaire à la biodiversité mondiale ».
Comme les régions polaires se réchauffent plus rapidement que le reste de la Terre, l’Arctique ne s’en sort pas beaucoup mieux. La fonte rapide de la banquise influence les schémas météorologiques et les courants océaniques, nous précipitant vers des boucles de rétroaction planétaires imprévisibles et de nouvelles menaces liées à l’activité humaine, alors que les eaux libres attirent le développement pétrolier et gazier, l’exploitation minière, la pêche, la navigation et le rejet de déchets. Les scientifiques demandent que l’ensemble de l’océan Arctique soit désigné zone marine protégée.
Les avertissements des scientifiques et des peuples autochtones ne sont pas nouveaux. De l’Amazonie à l’Arctique, les gens en première ligne nous font part des changements extrêmes dont ils sont témoins depuis des décennies. Les expert.e.s qui travaillent avec des organisations aussi diverses que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou l’Agence internationale de l’énergie nous disent que nous devons freiner le consumérisme endémique, renoncer aux combustibles fossiles et faire rapidement la transition vers les énergies renouvelables.
De l’Amazonie à l’Arctique, les gens en première ligne nous font part des changements extrêmes dont ils sont témoins depuis des décennies.
Des scientifiques du monde entier ont aussi publié deux « avertissements à l’humanité », l’un signé en 1992 par une majorité de personnes lauréates du prix Nobel encore vivantes et par plus de 1 700 scientifiques de premier plan, et l’autre à l’occasion du 25e anniversaire en 2018, signé par plus de 15 000 scientifiques. Ce dernier affirmait : « En ne parvenant pas à limiter de manière adéquate la croissance démographique, à réévaluer le rôle d’une économie fondée sur la croissance, à réduire les gaz à effet de serre, à encourager les énergies renouvelables, à protéger les habitats, à restaurer les écosystèmes, à réduire la pollution, à arrêter la diminution de la faune et à limiter les espèces exotiques envahissantes, l’humanité ne prend pas les mesures urgentes nécessaires pour préserver notre biosphère qui est en péril » (version originale).
Quand allons-nous tenir compte des avertissements de plus en plus nombreux? Pourquoi les politicien.ne.s, les médias et les trolls du clavier qui n’ont aucune formation scientifique pensent-ils et elles en savoir plus que ceux et celles qui ont observé et étudié tous les aspects du climat?
Nous connaissons depuis longtemps les problèmes et les solutions, mais nous avons repoussé le changement au point d’être en crise. Il n’y a plus de temps à perdre. Nous ignorons les avertissements à nos risques et périls.