De violents feux de forêt ravagent de nombreux endroits au Québec, tout comme dans plusieurs provinces canadiennes. La Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) comptabilise à ce jour un total de 449 feux pour l’année 2023, qui ont affectés plus de 750 000 hectares.
Force est de constater que les impacts des changements climatiques sont bien présents, quoi qu’ils ne soient pas à eux seuls responsables. Des milliers de personnes sont directement touchées par cette situation difficile, notamment en Mauricie, au Nord-du-Québec, sur la Côte-Nord et en Abitibi-Témiscamingue.
Le besoin de solidarité entre les peuples est primordial et un plan de guérison de nos forêts doit être envisagé, car les impacts climatiques qui les menacent feront partie de notre réalité future
soutient la responsable de la campagne Forêts à la Fondation David Suzuki (FDS), Mélissa Mollen-Dupuis.
Causes naturelles et anthropiques
Le feu de végétation est une composante écologique essentielle des forêts. Il s’agit d’un phénomène naturel lorsqu’il est déclenché par la foudre ou les orages secs. Il permet aux sols de se régénérer et à certaines espèces d’arbres de se reproduire, telles que le pin gris ou l’épinette noire, comme l’explique le chercheur postdoctoral à la FDS et à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Maxime Fortin-Faubert.
Les cônes, qu’on appelle aussi les “cocottes”, vont s’ouvrir sous l’effet de la chaleur des feux de forêt et libérer les graines. Donc s’il n’y a pas de feu, ces espèces ne pourront pas libérer leurs graines et générer de nouvelles plantules,
précise Maxime Fortin-Faubert
Il ajoute également que le bouleau blanc s’implante mieux dans un sol brûlé que dans une forêt déjà mature, puisqu’il a besoin d’une pleine exposition au soleil pour se développer. Les morilles de feu sont d’autres organismes vivants qui dépendent des feux de forêts pour compléter leur cycle de vie. Ces champignons très prisés par les mycologues fructifieront à la surface du sol l’année après qu’un feu de forêt ait eu lieu.
Le feu de végétation est toutefois majoritairement provoqué par des activités anthropiques, ou humaines, via les étincelles des feux de camp ou des opérations forestières. Le roseau commun, qui longe souvent le bords des autoroutes, peut ainsi s’enflammer en raison d’un mégot de cigarette mal éteint, par exemple. En effet, les tiges de cette espèce exotique envahissante sont très sèches et flambent facilement. Cela peut être un élément déclencheur d’un feu de végétation plus vaste, se propageant des herbes desséchées à une forêt entière.
Les changements climatiques attisent cependant l’intensité et la fréquence des feux, du fait des températures plus élevées, de l’insuffisance des pluies et de plus longues périodes de sécheresse. Dans ces conditions, une importante quantité d’eau contenue dans les tissus du peuplement forestier s’évapore. La faible quantité de neige qui est tombée cet hiver au Québec a de cette façon offert des conditions favorables aux feux de printemps, qui débutent plus tôt et durent plus longtemps à présent.
Conséquences humaines, matérielles et immatérielles
Les feux à éteindre en priorité ne sont pas nécessairement les plus gros, mais sont ceux qui se trouvent à proximité des zones habitées et proches des lignes d’hydroélectricité, comme le souligne Maxime Fortin-Faubert.
Des déplacements forcés peuvent alors en découler : plus de 11 000 personnes ont été évacuées jusqu’ici, comme les habitant.e.s de Maliotenam sur la Côte-Nord et de certains secteurs de la Ville de Val-d’Or. Dans ce contexte, l’entraide entre les populations voisines doit être de mise, qu’elles soient allochtones ou autochtones. La communauté de Pessamit a ainsi accueilli 250 résident.e.s de Maliotenam.
Il s’agit non seulement de coaliser les industries et les gens ensemble, mais aussi d’intégrer les individu.e.s qui habitent la forêt, plutôt que de cloisonner les territoires selon une approche coloniale, selon Mélissa Mollen-Dupuis.
Par ailleurs, les feux de végétation causent non seulement des pertes matérielles, telles que la pourvoirie Moisie-Nipissis, une propriété du gouvernement innu d’Uashat-Maliotenam près Sept-Îles, mais aussi une disparition de la culture immatérielle dans laquelle s’inscrivent les savoirs ancestraux, par exemple.
Au Canada et au Québec, plusieurs communautés sont impactées par les feux et les évacuations, mais aussi par la disparition de lieux porteurs de culture et d’Histoire qui s’envolent en fumée,
regrette Mélissa Mollen-Dupuis