Les effets du dérèglement climatique devenant plus fréquents et plus intenses, nous avons besoin d’un éventail de solutions. L’une d’entre elles suscite beaucoup d’attention : l’énergie nucléaire.
Les effets du dérèglement climatique devenant plus fréquents et plus intenses, nous avons besoin d’un éventail de solutions. L’une d’entre elles suscite beaucoup d’attention : l’énergie nucléaire.
L’industrie pousse fortement en ce sens, notamment vers les « petits réacteurs modulaires », et le gouvernement fédéral a offert son soutien et des incitations fiscales. Après 30 ans sans construction de nouveaux réacteurs, l’Ontario se lance à nouveau dans le nucléaire. Comment devons-nous réagir?
Avec ses nombreux problèmes que l’on connaît déjà, tels que son manque de flexibilité et son coût élevé en tant que source d’énergie de base, l’énergie nucléaire est en voie de devenir aussi obsolète que les combustibles fossiles. Les petits réacteurs modulaires créeront encore plus de déchets, coûteront plus cher – et ralentiront la transition nécessaire vers les énergies renouvelables.
Avec ses nombreux problèmes que l’on connaît déjà, tels que son manque de flexibilité et son coût élevé en tant que source d’énergie de base, l’énergie nucléaire est en voie de devenir aussi obsolète que les combustibles fossiles.
De nombreux inconvénients du nucléaire sont bien connus. Il peut contribuer à la prolifération des armes. Les déchets radioactifs restent très toxiques pendant longtemps et doivent être stockés ou éliminés avec précaution et de manière permanente. Et quoique les accidents graves sont rares, ils peuvent être dévastateurs et difficiles à gérer, comme l’ont montré les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima.
L’utilisation de l’uranium comme combustible nucléaire pose aussi des problèmes, notamment des taux élevés de cancer du poumon chez les mineurs et des émissions causées par l’extraction, le transport et le raffinage. Si l’on ajoute à cela la vapeur d’eau et la chaleur qu’elle dégage, l’énergie nucléaire produit « en moyenne 23 fois plus d’émissions par unité d’électricité produite » que l’énergie éolienne terrestre, selon Mark Jacobson, professeur à l’université de Stanford.
Mais les plus gros problèmes sont que l’énergie nucléaire est coûteuse – au moins cinq fois plus que les énergies éolienne et solaire – et qu’il faut beaucoup de temps pour la planifier et la construire. Les petits réacteurs modulaires (PRM) seront vraisemblablement encore plus coûteux, surtout si l’on tient compte du fait qu’ils produiront beaucoup moins d’électricité que les grandes centrales. Et comme les différents modèles sont encore à l’étape de prototype, ils ne seront pas disponibles prochainement.
Parce que nous avons tardé pendant si longtemps à renoncer au charbon, au pétrole et au gaz pour la production d’électricité, nous avons besoin de solutions qui peuvent être mises en œuvre rapidement et à un coût abordable.
Darlington, la dernière centrale nucléaire construite en Ontario, a finalement coûté 14,4 milliards de dollars, soit près de quatre fois l’estimation initiale. Sa construction a duré de 1981 à 1993 (et elle a été précédée de plusieurs autres années pour sa planification), et elle est actuellement en cours de rénovation pour un coût estimé proche de 13 milliards de dollars. En 1998, Ontario Hydro a fait face à l’équivalent d’une faillite, en partie à cause de Darlington.
Parce que nous avons tardé pendant si longtemps à renoncer au charbon, au pétrole et au gaz pour la production d’électricité, nous avons besoin de solutions qui peuvent être mises en œuvre rapidement et à un coût abordable.
L’expérience de l’Ontario n’est pas unique. Une étude de l’université de Boston portant sur plus de 400 grands projets de production d’électricité dans le monde au cours des 80 dernières années a révélé qu’ « en moyenne, les centrales nucléaires ont coûté plus du double de leur budget initial et la durée de leur construction a dépassé de 64 % la durée prévue », rapporte le Toronto Star. « Par contre, l’énergie éolienne et l’énergie solaire ont eu en moyenne des dépassements de coûts de 7,7 % et 1,3 %, respectivement. »
La Chine a construit plus de centrales nucléaires que tout autre pays – 50 au cours des 20 dernières années. Mais pendant la moitié de ce temps, elle a ajouté 13 fois plus de capacités éolienne et solaire.
Alors que les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les technologies de stockage continuent de s’améliorer rapidement et que leurs prix baissent, les coûts du nucléaire augmentent. Comme nous l’avons récemment mentionné, le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat montre que l’énergie nucléaire ne produit que 10 % des résultats des énergies éolienne et solaire, à des coûts bien plus élevés. Pendant le temps qu’il faut pour planifier et construire le nucléaire, y compris les PRM, et pour beaucoup moins d’argent, nous pouvons mettre en ligne beaucoup plus d’énergie éolienne, d’énergie solaire et d’énergie géothermique, et aussi développer et augmenter la capacité de stockage, la flexibilité du réseau et l’efficacité énergétique.
Les dépenses pour la construction d’un parc nucléaire suffisant – dont une partie doit être subventionnée par les contribuables – seraient mieux utilisées pour l’amélioration plus rapide de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables telles que l’éolien, le solaire et la géothermie.
Investir de l’argent et des ressources dans le nucléaire semble être une tentative de retarder l’adoption de l’électricité renouvelable et la modernisation du réseau. Les petits réacteurs modulaires vont vraisemblablement coûter encore plus cher que les grandes centrales pour l’électricité qu’ils produisent. Et, parce que le nombre de réacteurs nécessaires est plus grand, ils posent des problèmes de sécurité accrus.
Les recherches de la Fondation David Suzuki montrent comment le Canada pourrait obtenir 100 % d’électricité fiable, abordable et sans émissions d’ici 2035 – sans avoir recours à des technologies coûteuses et potentiellement dangereuses (et, dans le cas des PRM, non testées) comme le nucléaire.
Le nouveau nucléaire est un obstacle coûteux et de longue durée sur la voie d’une énergie renouvelable fiable, flexible, disponible et rentable. L’avenir est aux énergies renouvelables.