Depuis longtemps, les dirigeants du géant pétrolier ExxonMobil font tout pour éviter que le monde ne s’attaque aux changements climatiques. Ils ont caché des études internes démontrant le lien entre la combustion de combustibles fossiles et le réchauffement alarmant de la planète. Ils ont nourri la méfiance et pratiqué la désinformation. Ils ont fait pression sur des politiciens ; ils ont créé ou rejoint de faux groupes populaires, financé des négationnistes et commandé des rapports douteux, tout cela dans le but de minimiser ou de nier les risques, pour le climat et l’humanité, de l’utilisation de leurs produits.
Exxon n’est pas la seule entreprise à avoir agi de façon aussi incompréhensible et destructrice, en faisant passer ses profits à court terme avant la santé à long terme des systèmes naturels qui rendent possible la vie humaine et autre. Mais c’est l’une des plus importantes.
Or, il semble que les sociétés pétrolières et leurs actionnaires soient aujourd’hui confrontés à la réalité d’une planète en surchauffe. Au printemps, Engine No. 1 — une petite « société de placement activiste » détentrice d’une minuscule participation dans Exxon — a réussi à faire élire trois de ses quatre candidats au sein du conseil d’administration de douze personnes de l’entreprise, malgré les efforts déployés pour les contrer.
« Le conseil d’administration a besoin de membres d’expérience aptes à mener à bien la transformation du secteur énergétique et à traduire les objectifs de lutte contre les changements climatiques en plan d’affaires à long terme plutôt qu’en sujet de discussion », a-t-on pu lire dans une déclaration d’Engine No. 1.
On s’attend à ce que les nouveaux administrateurs, dont deux ont travaillé dans le secteur pétrolier, défendent la nécessité pour Exxon de diversifier ses investissements alors que le monde se détourne des combustibles fossiles.
Exxon n’est pas le seul géant pétrolier à recevoir un coup de semonce. Les actionnaires de Chevron ont récemment fait obstacle à son conseil d’administration, votant à 61 pour cent en faveur d’une proposition du groupe de pression néerlandais Follow This pour forcer l’entreprise à réduire les émissions de carbone issues de l’utilisation de ses produits.
Par ailleurs, un tribunal néerlandais a autorisé une poursuite intentée par sept groupes, dont Greenpeace et Friends of the Earth Netherlands, pour forcer Shell à intensifier considérablement ses plans de réduction de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, un tribunal néerlandais a autorisé une poursuite intentée par sept groupes, dont Greenpeace et Friends of the Earth Netherlands, pour forcer Shell à intensifier considérablement ses plans de réduction de gaz à effet de serre.
Le tribunal a ordonné à la Royal Dutch Shell de réduire les émissions du groupe Shell et de ses fournisseurs et clients de 45 pour cent d’ici 2030 par rapport à ses niveaux de 2019. La société avait prévu diminuer ses émissions de 20 pour cent d’ici 2030, de 45 pour cent d’ici 2035 et de 100 pour cent d’ici 2050 par rapport à ses niveaux de 2016, mais à des conditions jugées inacceptables par le tribunal.
Au vu de la progression du mouvement de désinvestissement dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz, ainsi que du récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie, réputée conservatrice, selon lequel il n’y a pas de place dans un monde qui se réchauffe rapidement pour de nouveaux projets de combustibles fossiles, on sent le vent tourner.
Il était grand temps !
Plus de quatre décennies de données scientifiques probantes sur le climat auraient dû nous inciter à en faire plus.
Il aura fallu une effroyable catastrophe pour que le secteur (ainsi que les gouvernements et la société) se décide, à contrecœur, à faire face à la réalité. C’est tragique. Si les entreprises comme Exxon ne s’étaient pas tant attachées à minimiser et à nier les risques associés aux changements climatiques et à bloquer tout progrès, nous serions déjà bien engagés dans la nécessaire transition énergétique, sans avoir à subir autant de contrecoups économiques et sociaux. Plus de quatre décennies de données scientifiques probantes sur le climat auraient dû nous inciter à en faire plus.
Ce n’est pas faute de solutions si nous continuons à gaspiller des ressources précieuses, à brûler en quelques minutes des réserves énergétiques concentrées qui ont mis des millions d’années à se former. C’est plutôt par manque de sensibilisation et de volonté politique, alimentées par une campagne de plusieurs millions de dollars du secteur destinée à semer la confusion. Cela dit, on observe la progression d’une prise de conscience qui incite à l’action politique.
De récents événements entourant l’industrie pétrolière illustrent l’importance de prendre part au débat. La persévérance et l’engagement de gens conscientisés ont enfin ouvert les yeux de l’industrie, des gouvernements et de la société.
Les centaines de milliers de jeunes qui descendent dans la rue envoient un message. Les révoltes d’actionnaires et remaniements de conseils d’administration envoient un message. Le désinvestissement dans le secteur des combustibles fossiles envoie un message. Les multiples contestations judiciaires envoient un message.
Ce message, selon Bill McKibben, fondateur de 350.org, est qu’il est impossible de négocier avec la physique et la chimie. Les émissions d’immenses quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, notamment de dioxyde de carbone et de méthane, par la combustion de charbon, de pétrole et de gaz, ainsi que la destruction des systèmes naturels qui absorbent et stockent le carbone, comme les zones humides, les prairies et les forêts, mettent en péril la santé et la survie des humains et des autres formes de vie.
L’ère des combustibles fossiles touche à sa fin. Il est temps de trouver des façons justes et équitables de mieux vivre et de consommer l’énergie.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez