Des dirigeants du monde entier ont affirmé en chœur que nous étions tous dans le même bateau de la COVID-19. À cela, l’écrivain britannique Damian Barr a tweeté : « Nous ne sommes pas tous dans le même bateau. Nous sommes tous dans la même tempête. Certains sont à bord de super-yachts. D’autres n’ont qu’une rame. »
La COVID-19 et les changements climatiques multiplient les menaces. Ils combinent les risques et les inégalités pour les rendre encore plus visibles.
Des données publiées par les U.S. Centers for Disease Control and Prevention révèlent que près du tiers des personnes atteintes de la COVID-19 sont des Noirs, même s’ils ne composent que 13 pour cent de la population américaine. La proportion des personnes décédées de la COVID-19 est similaire. On retrouve ce schéma dans presque tous les territoires où l’on collige ces données.
Nous présumons souvent que ce type d’inégalités n’existe pas au Canada. Bien que quelques provinces envisagent de recueillir des données sur la race, la plupart ne le font pas.
Toutefois, les renseignements dont nous disposons sont éloquents. À Montréal, la proportion de cas de COVID-19 est nettement plus élevée à Montréal Nord, le quartier qui affiche le revenu après-impôts le plus bas. À Toronto, les statistiques de la santé publique font état d’un taux d’infection supérieur dans les quartiers qui abritent un nombre plus élevé de personnes à faible revenu et de nouveaux arrivants.
Nous constatons que la COVID-19 affecte de manière disproportionnée les personnes qui vivent dans la pauvreté.
« On a souvent dit que la COVID-19 frappait sans discrimination, a déclaré Joe Cressy, conseiller et président du Toronto Health Board. Or, ce n’est malheureusement pas le cas. Nous constatons que la COVID-19 affecte de manière disproportionnée les personnes qui vivent dans la pauvreté. »
Comment s’attaquer à ce problème ?
Il semble que la pandémie prédisposerait plus de gens à soutenir des mesures pour contrer les inégalités. Un sondage a démontré que les gens se préoccupent davantage du sort des autres qu’avant la crise.
L’éclosion a dévoilé les lignes de faille de nos systèmes. Si nous commençons à les combler, nous serons en meilleure posture pour faire face aux crises à plus long terme du climat et de la biodiversité.
Dès 2009, Scientific American a signalé que les changements climatiques affecteraient davantage les pauvres. Si nous maintenons le statu quo, ceux qui ont le moins contribué au problème des émissions de carbone en paieront le prix le plus élevé.
Des données américaines indiquent que plus d’Autochtones et de personnes de couleur meurent durant les vagues de chaleur et les inondations. Des études ont démontré que cette conjugaison des vulnérabilités se retrouve également au Canada. Comme le réchauffement climatique provoque des catastrophes météorologiques de plus en plus graves et fréquentes, cette tendance risque de se poursuivre, à moins que nous agissions.
Nous devons adopter des politiques qui s’attaquent aux inégalités, créer des emplois valorisants pour tous et réduire les émissions.
Les activistes climatiques doivent faire partie de ce changement. Si la transition vers des énergies renouvelables augmente les coûts à la consommation, nous causerons du tort aux plus vulnérables, à ceux et celles qui sont déjà confrontés à la pauvreté énergétique. Nous devons adopter des politiques qui s’attaquent aux inégalités, créer des emplois valorisants pour tous et réduire les émissions.
Heureusement, on assiste à l’échelle du pays à plusieurs mesures prometteuses.
Les Canadian Urban Sustainability Practitioners ont lancé un outil d’exploration de la pauvreté énergétique et de l’équité en matière d’énergie pour mesurer la pauvreté énergétique au Canada : le fait pour un ménage de consacrer plus de six pour cent de son revenu à l’énergie, soit plus du double de la moyenne nationale. Là où j’habite, à Vancouver, les ménages issus des minorités visibles sont deux fois plus à risque de vivre dans la pauvreté énergétique.
L’utilisation de cet outil pourrait influer sur les décisions des villes. Par exemple, si l’objectif est uniquement de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les décideurs pourraient être amenés à offrir des incitatifs à la rénovation d’unifamiliales, mais une telle mesure bénéficierait avant tout aux propriétaires aisés qui envisagent de rénover leur résidence. Si leur objectif vise l’équité, ils pourraient offrir des subventions ou des prêts sans intérêt pour la rénovation de logements sociaux ou d’habitations multifamiliales à loyer modique. La seconde option contribuerait à réduire les gaz à effet de serre et la pauvreté énergétique, en plus de favoriser l’équité, la création d’emploi et la santé.
La ville de Portland a demandé à des collectivités mal desservies, en particulier les plus vulnérables, de faire part de leur situation. L’exercice a permis à la ville de produire un plan de transition énergétique le plus juste et équitable que possible. Au Canada, il est encourageant de voir Vancouver s’inspirer de l’expérience de Portland.
Récemment, un collègue m’a demandé : « Comment devrions-nous utiliser notre visibilité privilégiée en ces temps-ci ? Pour qui ? Et comment ? »
J’espère que nous continuerons de nous poser ce genre de questions après la pandémie. Nous devons agir maintenant, afin de devenir plus résilients face à toutes les crises et de nous assurer que moins de gens n’aient à assumer une part inéquitable de leurs conséquences.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez