(Photo: KasH via Pexels)

La population canadienne se préoccupe de son environnement. Nous recyclons, compostons, sommes fiers de nos espaces naturels spectaculaires et sommes conscients des risques d’une crise climatique. Pourtant, nous utilisons plus d’énergie et d’eau et produisons plus de déchets par habitant que tout autre pays.

Selon une étude de 24/7 Tempo fondée sur des données de la Banque mondiale, en 2017, le Canada a produit 1,33 milliard de tonnes de déchets, soit 36,1 tonnes par personne, dont seulement 20,6 pour cent ont été traités ou recyclés. La majeure partie de ces déchets sont de source industrielle, surtout pétrolière, mais les déchets domestiques constituent également un problème.

Malgré les programmes de recyclage municipaux, nous expédions outre-mer des cargaisons de déchets, dont certains nous sont maintenant renvoyés. Les Philippines nous ont retourné cette année 69 conteneurs supposés contenir du plastique à recycler, mais qui se sont révélés en grande partie des déchets domestiques. Le Cambodge veut nous renvoyer 11 conteneurs, là encore faussement étiquetés comme plastique à recycler, et la Malaisie a retourné un conteneur. Certains pays, notamment la Chine, l’Inde, le Vietnam et Taïwan, ont interdit ou limité les importations de déchets.

Une grande partie des matières exportées ne sont même pas recyclées. Elles sont brûlées ou jetées dans les cours d’eau. Pourtant, en 1989, la plupart des pays, y compris le Canada, ont ratifié la Convention de Basel, destinée à réduire les déchets, à les éliminer dans le pays qui les a générés et à les exporter uniquement si le pays destinataire a donné un « consentement éclairé préalable ». En mai 2019, les pays ont voté un amendement à la convention pour interdire l’exportation vers les pays en développement de matières dangereuses et de déchets. Le Canada s’est opposé à cet amendement.

Parallèlement, notre gouvernement a annoncé qu’il interdira les articles de plastique à usage unique non essentiels à compter de 2021, en omettant toutefois de publier les détails de ce décret. Les pays de l’UE ont déjà convenu de bannir des articles de plastique comme « les ustensiles, assiettes, pailles, cure-oreilles, tiges en plastique de ballon et bâtonnets à café » d’ici 2021. D’autres pays et régions ont interdit ou entendent interdire un éventail d’articles, notamment les sacs de plastique. Certains se heurtent à des problèmes. Victoria, en Colombie-Britannique, a vu son interdiction des sacs de plastique renversée par un tribunal à la suite d’une plainte déposée par l’Association canadienne des sacs en plastique.

Le véritable problème, c’est la surproduction. N’oublions pas que la première règle des quatre R consiste à réduire.

Le véritable problème, c’est la surproduction. N’oublions pas que la première règle des 4 R consiste à réduire. Les articles de plastique, omniprésents, constituent des dérivés rentables pour le secteur des combustibles fossiles. Comme la société se fonde sur la consommation, le profit et la croissance constante, il faut toujours fabriquer plus, et non moins, de tout, de l’emballage à la paille.

Les quantités immenses de plastique que nous jetons — souvent inutiles — aboutissent dans les dépotoirs, les cours d’eau et les océans, et nuisent à la santé de la faune et de la vie marine. Plutôt que de se biodégrader, le plastique se désagrège en petites particules qui aboutissent dans le réseau alimentaire —  et dans notre métabolisme.

Autre problème grave : les engins de pêche abandonnés. Tous les ans, plus de 100 000 animaux marins, oiseaux, baleines, dauphins, tortues de mer et phoques, s’y empêtrent et meurent. Les chercheurs estiment que de 600 000 à 800 000 tonnes d’engins de pêche « fantômes » se retrouvent tous les ans dans les océans, de manière accidentelle ou délibérée. Selon l’ONU, « certains filets abandonnés sont aussi grands qu’un terrain de soccer » et « peuvent prendre jusqu’à 600 ans à se décomposer, en libérant durant tout ce temps des microparticules de plastique » et en emprisonnant des animaux marins.

L’économie circulaire est, par définition, régénératrice : les produits sont faits pour durer, être réutilisés, réparés, réusinés, ou contenir des composants récupérables.

Pour soutenir l’interdiction fédérale des articles de plastique à usage unique, la Coalition du budget vert, qui représente 22 organismes environnementaux, dont la Fondation David Suzuki, recommande au gouvernement d’investir dans des programmes d’information et de conformité, de soutenir le secteur zéro-déchet, d’ouvrir la voie à une « économie circulaire » et d’adopter un programme pour prévenir et récupérer les engins de pêche. L’économie circulaire est, par définition, régénératrice : les produits sont faits pour durer, être réutilisés, réparés, réusinés, ou contenir des composants récupérables.

L’augmentation phénoménale des plastiques dérivés des hydrocarbures a coïncidé avec la progression des secteurs du pétrole, du gaz et de l’automobile, dont l’un des objectifs est de consommer autant de combustibles fossiles que possible, afin de soutenir les profits et de faire rouler l’économie. Nous constatons maintenant les conséquences de ce fléau rapide et relativement récent : bouleversement climatique, dépérissement des océans et pollution partout — même là où l’être humain n’est pas !

L’interdiction des articles de plastique à usage unique ne réglera pas tout, mais c’est un pas dans la bonne direction et un moyen de faire prendre conscience de nos habitudes de gaspillage. Il existe de nombreuses façons de réduire considérablement l’usage du plastique et de faire des produits plus durables, voire de créer des plastiques à l’aide de matières biodégradables comme la cellulose végétale.

Ne tenons pas pour acquis nos ressources abondantes et notre vaste territoire. Le terme « jetable » devrait disparaître de notre vocabulaire. Dans un monde limité, tout aboutit quelque part.

 

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez