À l’heure où la peur suscitée par cette histoire de frelons attire l’attention sur les frelons et les abeilles domestiques, la plupart des gens ne savent pas distinguer une abeille domestique, un frelon ou une guêpe parmi plus de 800 espèces d’abeilles sauvages au Canada. (Photo : t-mizo via Flickr)

Comme si nous n’en avions pas assez, nous faisons maintenant face à une invasion de « frelons meurtriers ». En fait, il s’agit plutôt d’une invasion de fils d’actualité que d’une attaque en règle d’insectes tueurs. De nombreux médias ont fait circuler des rumeurs inquiétantes sur des frelons géants qui viendraient piller les ruches des abeilles. Il ne s’agit pas d’une menace imminente en Amérique du Nord, mais le sujet a l’avantage de piquer la curiosité.

Dans tout ce bourdonnement médiatique, une réalité est passée sous silence : la vraie menace qui guette les abeilles domestiques et leurs cousines sauvages au Canada, et la façon de les sauver.

Analysons un peu l’hystérie engendrée par cette histoire de frelons. Le frelon géant asiatique s’est mérité le surnom de meurtrier parce qu’il est reconnu pour décapiter les abeilles avec ses mandibules dentées. C’est le plus gros frelon de la planète ; il fait trois fois la taille de sa proie, l’abeille domestique. Il est armé d’un dard venimeux. Et comme tout méchant qui se respecte, il affiche une tenue très voyante.

Le New York Times l’a décrit comme une créature dotée d’une « tête féroce caricaturale surmontée de deux yeux en forme de goutte comme ceux de Spiderman » et de « rayures noir et orange sur le corps, semblables à celles d’un tigre ». Des coupeurs de têtes géants, rayés comme des tigres et affublés d’un masque de super héros. Wow ! Succès assuré pour une prochaine bande dessinée !

Les décapiteurs d’abeilles peuvent venir à bout d’une ruche en quelques heures. Heureusement, on n’a repéré que quelques spécimens aux États-Unis et au Canada. L’automne dernier, on a trouvé deux frelons géants morts dans l’État de Washington et un nid de frelons géants près de Nanaimo, en C.-B. Les frelons de Colombie-Britannique ont rapidement été dispersés par un entomologiste téméraire.

Bien que les « frelons meurtriers » ne représentent qu’un faible danger à court terme ici, les abeilles vivent dans un monde semblable à un scénario dystopique digne d’Hollywood.

Bien que les « frelons meurtriers » ne représentent qu’un faible danger à court terme ici, les abeilles vivent dans un monde semblable à un scénario dystopique digne d’Hollywood — et elles ne sont pas menacées par un seul méchant en particulier.

Depuis que les colons européens ont introduit les abeilles en Amérique du Nord, elles ont été domestiquées au point qu’elles éprouvent de la difficulté à se défendre contre divers agresseurs, des frelons meurtriers à l’acarien destructeur Varroa. Elles ont aussi été frappées par une panoplie de menaces : pesticides, réduction de leur habitat provoqué par les changements climatiques, stress d’être importées et exportées…

À l’heure où la peur suscitée par cette histoire de frelons attire l’attention sur les frelons et les abeilles domestiques, la plupart des gens ne savent pas distinguer une abeille domestique, un frelon ou une guêpe parmi plus de 800 espèces d’abeilles sauvages au Canada. Ces pollinisateurs méconnus, mais essentiels, continuent de « voler sous le radar », car nous remarquons rarement les insectes, à moins qu’ils soient spectaculaires, comme les monarques qui, en passant, sont aussi menacés d’extinction.

Il n’est pas surprenant que, sans crier gare, plus du quart de tous les insectes ont disparu depuis 1990. Une perte immense passée sous silence.

Au moins un tiers de l’approvisionnement alimentaire en Amérique du Nord dépend des pollinisateurs.

Le chiffre laisse perplexe. Au moins un tiers de l’approvisionnement alimentaire de l’Amérique du Nord dépend des pollinisateurs. On estime que les abeilles pollinisent pour 15 milliards $ de cultures vivrières aux États-Unis chaque année en colportant le pollen de fleur en fleur, pour produire ensuite des fruits, des noix et des légumes. Elles constituent notre cheptel le plus petit, mais, sans contredit, le plus essentiel. Leur disparition constituerait une perte considérable.

Toute épopée a besoin d’un super héros et d’un coup d’éclat. À vous de jouer : vous pouvez être ce héros.

Beaucoup de gens soutiennent les abeilles sauvages et domestiques, ainsi que d’autres pollinisateurs en plantant des fleurs sauvages et autres plantes dans les jardins et espaces verts partout au pays. Il suffit d’une bêche et de quelques graines. La cape est facultative.

Le jardinage peut être le meilleur remède pour la santé des abeilles et contre la folie du frelon.

La plantation de fleurs sauvages riches en pollen et en nectar, seules ou mêlées à des légumes ou fines herbes, aidera à nourrir les abeilles, les papillons et autres pollinisateurs qui, à leur tour, contribueront à nos récoltes.

Passez à l’action dès maintenant. Consultez le guide du projet Bee-bnb Superhost de la Fondation David Suzuki.

Vous y trouverez de bons trucs pour planter des fleurs sauvages et accueillir des abeilles sauvages et des papillons dans votre cour ou sur votre balcon.

Tout ce battage autour du « frelon meurtrier » est peut-être surfait. Il nous rappelle toutefois que la menace d’espèces envahissantes est bien réelle. Nous devons faire preuve de vigilance. Que cette crainte des frelons nous pique au vif et nous pousse à agir !

Côté cour ou côté jardin, entrez en scène ! Jouez les héros pour soutenir les abeilles et les autres insectes, acteurs de soutien essentiels dans notre chaîne alimentaire.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez