
Depuis plus de dix ans, le marché du carbone finance des solutions concrètes qui améliorent notre quotidien et protègent notre avenir. (Photo : Ella Ivanescu via Unsplash)
Pendant que le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique reculent sur la tarification du carbone pour les consommateur.rice.s, le Québec résiste. Et ce n’est pas un hasard. Nous avons un système bien à nous qui date de 2013.
Le marché du carbone, aussi appelé « bourse du carbone », c’est en fait le Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE), un outil robuste et efficace pour lutter contre les changements climatiques et rendre la vie plus abordable pour tout le monde à long terme. Depuis plus de dix ans, il finance des solutions concrètes qui améliorent notre quotidien et protègent notre avenir.
Comment ça marche?
Le fonctionnement est simple : les grandes entreprises, comme les raffineries et les distributeurs de carburants, doivent acheter des droits pour émettre des gaz à effet de serre (GES). Moins elles polluent, moins elles paient. C’est le principe du pollueur-payeur. Et si elles émettent plus que prévu, elles doivent acheter des crédits supplémentaires. Le nombre de « droits de polluer » disponible diminue progressivement, alors que le coût de ces droits augmente. Elles ont donc un incitatif à changer leurs pratiques pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le marché du carbone offre également de la prévisibilité aux entreprises, chose qu’elles apprécient pour planifier leurs activités.
Qu’est-ce qu’on fait avec l’argent récolté?
Depuis 2013, ce système a généré plus de 10,3 milliards de dollars. Et chaque dollar va directement au Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC). En d’autres mots, il finance notre action pour le climat :
- Le développement du transport collectif (REM, tramway de Québec, réseaux d’autobus à haute fréquence, etc.);
- L’électrification des véhicules, dont via le programme Roulez vert qui offre des subventions aux véhicules électriques et aux bornes de recharge à domicile;
- L’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et commerciaux à travers différentes initiatives;
- L’adaptation aux catastrophes climatiques, comme les inondations, les tempêtes, les vagues de chaleur et les feux de forêt, en offrant des enveloppes aux municipalités pour y faire face.
Pourquoi le marché du carbone est-il toujours en place?
Ce système n’est pas visible à la pompe, contrairement à une taxe, soit ce qui était en place ailleurs au Canada jusqu’à tout récemment. L’effet sur le prix de l’essence est donc indirect, autour de 9 à 10 cents par litre, dont le prix moyen se situe entre 1,50 et 1,60, ce qui le rend plus acceptable socialement et plus stable politiquement. Et c’est peut-être ce qui explique pourquoi il a survécu à trois gouvernements depuis plus de dix ans.
Le marché du carbone n’a jamais été remis en question avant tout récemment. Le premier ministre François Legault a lui-même rappelé que les revenus issus du marché du carbone — près de 1,5 milliard de dollars cette année — servent directement à financer l’adaptation et la lutte contre les changements climatiques.
Il est d’ailleurs reconnu à l’international, notamment par l’OCDE et la Banque mondiale, et contribue à faire du Québec un leader de l’action climatique sur la scène mondiale.
Depuis 2014, il est aussi relié à celui de la Californie, une autre juridiction pionnière qui résiste aux vents anti-climat, étendant sa portée et renforçant sa crédibilité.
Maintenons notre marché du carbone, mais renforçons-le
Mais attention : ce succès est fragile. Alors que d’autres provinces et États cèdent aux pressions, le Québec maintient le cap. C’est un choix courageux, et c’est aussi un exemple à suivre. On ne le regrettera pas dans 10 ans.
Si on commence à multiplier les exceptions ou à céder aux pressions des grands pollueurs, on ouvre la porte à un effritement progressif, comme on l’a vu avec la tarification fédérale. Et avec lui, c’est tout un pan du financement climatique du Québec qui risque de s’effondrer.
Certes, le marché du carbone doit être réformé pour augmenter son impact, faire payer leur juste part aux grandes entreprises et veiller à la distribution rapide, efficace et équitable des fonds récoltés, mais on ne peut pas s’en passer.
Dans un monde où les événements météorologiques extrêmes se multiplient et pèsent lourdement sur nos finances publiques, maintenir – et renforcer – notre marché du carbone n’est pas un luxe. C’est notre assurance collective pour le monde de demain.