Des groupes saisissent les tribunaux au sujet d’un pesticide néonicotinoïde lié au déclin de populations de pollinisateurs

Toronto – Des groupes environnementaux se sont retrouvés en Cour fédérale cette semaine pour protéger les pollinisateurs d’un pesticide néonicotinoïde nocif, le thiaméthoxame, afin de contester le laxisme de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), qui relève de Santé Canada. Les avocats d’Ecojustice représentant la Fondation David Suzuki, Les Amis de la Terre Canada, Ontario Nature et le Wilderness Committee plaideront sur le fait que certains pesticides à base de thiaméthoxame sont homologués illégalement au Canada.

« Nous sommes en cour aujourd’hui parce que l’ARLA n’a pas assumé ses responsabilités légales en tant qu’organisme de réglementation », explique l’avocat d’Ecojustice, Charles Hatt. Le ministère de la Santé a approuvé les pesticides à base de thiaméthoxame pendant plus d’une décennie alors que les propres scientifiques de l’ARLA reconnaissent ne pas disposer des moyens scientifiques nécessaires pour évaluer les risques que posent ces pesticides sur les pollinisateurs ainsi que sur l’environnement. Cette attitude, qui consiste à agir avant même de poser des questions, vient sérieusement fragiliser les lois canadiennes en matière de pesticides. »

Les groupes soulignent que la Loi sur les produits antiparasitaires exige que le ministre démontre la « certitude raisonnable » qu’un pesticide ne s’avérera pas nuisible à l’environnement avant son homologation. Depuis plus de dix ans, le ministre a accordé de supposées « homologations conditionnelles » à l’égard de pesticides à base de néonicotinoïdes, en faisant fi des études scientifiques portant sur les risques que posent ces pesticides sur les pollinisateurs. Tout au long de cette période, l’usage des néonicotinoïdes s’est répandu dans l’ensemble du territoire agricole au Canada, ce qui a considérablement augmenté l’exposition des pollinisateurs et autres insectes à ces produits, ainsi que les risques connexes.

« Le Canada a mis des années à réunir l’information sur les risques que représentent ces produits pour les pollinisateurs et à étudier les données, mais parallèlement, il a donné son feu vert à l’utilisation à grande échelle des néonicotinoïdes, ce qui est venu compromettre la santé des pollinisateurs », nous dit Lisa Gue, chercheuse et analyste senior à la Fondation David Suzuki.

Caroline Schultz, directrice générale d’Ontario Nature ajoute : « Les pollinisateurs sont des éléments indispensables dans nos écosystèmes, et leur déclin est terrifiant. Les fruits, les légumes, les noix et 90 % des plantes à fleurs ont besoin des pollinisateurs pour se reproduire et se développer. Nous espérons que notre cause sensibilisera le gouvernement fédéral à la nécessité de se mettre au pas des mesures sensées adoptées par les autres gouvernements et de protéger les pollinisateurs au Canada avant qu’il ne soit trop tard. »

En avril 2018, les membres de l’Union européenne ont en effet voté en faveur de l’interdiction du thiaméthoxame et d’autres agents néonicotinoïdes dans toute activité agricole extérieure en raison du risque pour les abeilles et autres pollinisateurs. Bien qu’au Canada l’ARLA propose maintenant d’éliminer graduellement la plupart des utilisations du thiaméthoxame pour protéger les invertébrés aquatiques, cette proposition n’a pas encore été finalisée. Et même si elle devait l’être, les pesticides pourraient continuer d’être utilisés jusqu’en 2023, 2026, et même plus tard.

« On sait que l’utilisation des néonicotinoïdes par les agriculteurs canadiens est responsable du déclin des populations pollinisatrices et maintenant, nous savons que ces produits sont nocifs pour les insectes aquatiques dont se nourrissent les oiseaux et les poissons, ajoute Beatrice Olivastri, directrice générale de l’organisme Les Amis de la Terre Canada. Les néonicotinoïdes constituent un choix désastreux pour la nature, car ils s’attaquent aux oiseaux, aux abeilles et aux poissons. Nous devons aller en cour pour forcer le Canada à suivre la science et à agir pour protéger l’environnement des néonicotinoïdes. Il est temps, pour le Canada, de travailler de concert avec les agriculteurs qui souhaitent protéger l’environnement plutôt que de conclure des ententes avec les fabricants de pesticides. »

Les néonicotinoïdes sont des pesticides chimiques systémiques qu’on retrouve dans tous les tissus des plantes traitées, y compris dans le pollen et le nectar. Cette classe de pesticides toxiques menace les « organismes non ciblés » comme les abeilles domestiques, responsables de la pollinisation du tiers des cultures à l’échelle mondiale. On a également découvert que les néonicotinoïdes utilisés en agriculture se retrouvent dans les fleurs sauvages et les cours d’eau à proximité, ce qui accroît l’exposition toxique pour les insectes évoluant dans ces environnements.

« Les populations pollinisatrices sont en chute libre. Et la science nous dit que les néonicotinoïdes ont largement contribué à ce déclin. Dès lors, pourquoi l’ARLA continue-t-elle d’en autoriser la vente et l’utilisation? demande Charlotte Dawe, responsable des campagnes de conservation et de politiques du Wilderness Committee. Nous demandons à la cour d’invalider l’homologation des pesticides à base de thiaméthoxame et de faire clairement savoir que la pratique de l’ARLA qui consiste à approuver d’abord et à tenir compte des facteurs scientifiques ensuite ne peut plus continuer. »

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Pour plus d’information :

Diego Creimer, Communications| Fondation David Suzuki 514 999-6743| dcreimer@davidsuzuki.org

À PROPOS

Ecojustice, le plus grand organisme caritatif au Canada œuvrant dans le domaine du droit environnemental, s’adresse aux tribunaux pour défendre la nature et le droit à un environnement sain pour tous et combattre les changements climatiques.

La mission de la Fondation David Suzuki est de protéger la diversité de la nature et notre qualité de vie, aujourd’hui et pour l’avenir.

 Les Amis de la Terre Canada est le membre canadien de Friends of the Earth International, le plus grand réseau environnemental citoyen, qui fait campagne dans 75 pays relativement aux enjeux environnementaux et sociaux les plus urgents auxquels le monde moderne est confronté.

 Wilderness Committee est un groupe de protection de la nature dirigé et financé par les citoyens.

 Ontario Nature protège les espèces et espaces sauvages, par l’intermédiaire de la conservation, de l’éducation et de la mobilisation publique.